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    Love, le langage cinématographique de Noé semble jouir

    love affiche

    Love
    de Gaspar Noé
    Erotique, Drame
    Avec Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin
    Sorti le 29 juillet 2015

    Après toute la controverse suscitée par les posters quasi-pornographiques du dernier film de Gaspar Noé, projeté en première dans le cadre du festival de Cannes 2015 en séance de minuit, Love arrive en Belgique. Derrière l’envie fantasmagorique du réalisateur de concevoir un film érotique et de choquer gratuitement ses spectateurs se cache un vrai synopsis d’histoire.

    Murphy, jeune réalisateur de 25 ans, est réveillé le premier janvier, près de sa copine qu’il méprise, par les pleurs de leur enfant de deux ans. La mère d’Electra, son ancienne copine et apparemment l’amour de sa vie, lui a laissé un message vocal : elle essaie de demander des nouvelles de sa fille disparue depuis longtemps. Resté seul dans son appartement à remémorer leur histoire, Murphy se perd dans ses souvenirs avec Electra : amour, sexe, déception, sexe, jalousie, sexe, crise, sexe, etc.

    Gaspar Noé réutilise la narration à rebours employée déjà dans son film polémique Irréversible. Il commence toujours par la fin et finit par le début, sauf que dans Love, l’histoire est interrompue par des retours incessants au présent. Autre que la forme anti chronologique qui ne rapporte rien au film puisqu’il est construit d’une juxtaposition de scènes de cul (une scène sur deux), Love tient aussi d’Irréversible l’envie de provocation gratuite et l’égocentrisme cinématographique, devenus signatures du réalisateur.

    Le film déborde de l’arrogance du réalisateur qui nous rappelle de lui toutes les vingt minutes. Le couple nomme leur fils « Gaspar », et le propriétaire de la galerie d’art nommé « Noé » est joué par le réalisateur lui-même. Et comme par hasard, le protagoniste Murphy est l’alter-égo du cinéaste : c’est un réalisateur qui veut exprimer dans ses films l’émotion sexuelle et qui pense que les films doivent être faits de « sperme, sang et larmes ». Noé fait aussi référence à ses anciens films surtout en reprenant leurs thèmes musicaux.

    Love épuise le vocabulaire des expériences sexuelles, du simple coït jusqu’au club échangiste en passant par toutes les positions imaginables. En plongée totale ou en succession de plans qui découpent le corps des acteurs, le film sacralise l’expérience charnelle et la filme avec un érotisme esthétique. Si le physique des acteurs peut les faire passer pour des acteurs pornographiques, la caméra de Noé et sa lumière leur rendent toute divinité cinématographique.

    La première partie du film, surtout la séquence où le couple essaie de séduire leur nouvelle voisine de dix-sept ans – qui deviendra plus tard la mère du garçon de Murphy – arrive à pétrifier les spectateurs dans la durée de ces scènes. Le charme des acteurs au début du film se perd malheureusement avec son prolongement lassant. Si l’emploi des premières scènes de sexe ne semble pas gratuit de première vue dans le cadre de l’histoire amoureuse entre Murphy et Electra, l’usage successif que Noé en fait, sans aucune évolution narrative dans le rapport charnel ni cinématographique dans la façon de les filmer, finit par détruite leur magie.

    Avec des coupures au noir répétitifs aux milieux des scènes tel le souffle coupé d’un Murphy qu’on branle, une caméra qui filme les personnages majoritairement de dos et du côté le moins éclairé, la voix cassée d’une Aomi Muyock qui excite et la voix-off cérébral de Murphy qui dit ce qu’il ne peut pas prononcer à haute voix, le langage cinématographique de Noé semble jouir. L’onanisme passe du jeu à la caméra, au montage pour atteindre en fin de compte le spectateur.

    Se pose en plus la question de la gratuité de quelques éléments parachutés dans le film, moins graves mais toujours pertinents : le seul texte qui s’écrit sur l’image pendant quelques secondes dans la première partie du film, l’emploi du 3D complètement inutile sauf pour le gros plan ridicule d’un pénis qui éjacule sur le spectateur…

    Malgré la maitrise d’un langage cinématographique intéressant, le film se perd derrière l’arrogance de son réalisateur qui diminue pourtant l’emploi du gratuit de film en film. Loin d’être un film pornographique comme on le nomme, Love pourrait être un premier pas de Noé  vers du nouveau cinéma érotique. Pourvu que, dans ses prochaines oeuvres, Noé fasse confiance à sa matière et se laisse disparaître derrière son film sans recherche de provocation.

    Patrick Tass
    Patrick Tass
    Journaliste du Suricate Magazine

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