Loin des hommes
de David Oelhoffen
Drame
Avec Viggo Mortensen, Reda Kateb, Djemel Barek, Vincent Martin, Nicolas Giraud
Sorti le 4 février 2015
Sept ans après Nos retrouvailles, David Oelhoffen réalise Loin des hommes, librement adapté de « L’hôte », une nouvelle du recueil L’exil et le royaume d’Albert Camus.
Algérie, 1954. Instituteur sur un plateau isolé, Daru se voit confier Mohamed, un paysan Algérien accusé de meurtre qu’il doit remettre à la justice française à Tinguit. Poursuivis par une vendetta villageoise, pris au milieu des combats pour l’indépendance algérienne, les deux hommes entament une traversée du désert et avancent comme deux funambules sur le fil réduit de la liberté et du pacifisme.
À côté de ses recherches historiques, David Oelhoffen s’est appuyé sur les Chroniques algériennes (1930) de Camus pour rendre au mieux l’époque ayant menée à la guerre d’Algérie (1954 – 1962). Le début du long-métrage est fidèle à la nouvelle qui l’a inspiré, mais s’en détache rapidement. De fait, il ne sert à rien de chercher dans le film de Oelhoffen l’écriture dépouillée de Camus, l’aride solitude de Daru ou le choix existentiel de « l’Arabe », personnage presque muet qui regarde son destin dans les yeux, car « L’hôte » et Loin des hommes sont deux œuvres différentes.
Considéré indépendamment de son origine (trop ?) prestigieuse, le long-métrage est très beau. Le scénario a été intelligemment développé de sorte que les personnages gagnent en épaisseur biographique. Daru est incarné par Viggo Mortensen, cet acteur inclassable au parcours si diversifié. Ceux qui ne le connaissaient que comme Aragorn dans Le seigneur des anneaux risquent d’être surpris par son espagnol et son français impeccable, sa maîtrise de l’arabe, appris pour le film, et son jeu humble mais charismatique. À ses côtés, « l’Arabe » devenu Mohamed, est joué par le Français Reda Kateb qui existe réellement dans un rôle pourtant passif et effacé.
Les deux personnages vont se rencontrer dans une position antagoniste et se quitter, au sens littéral et moral, en compagnons de route. Malgré une posture qu’ils veulent neutre, sans autre idéologie qu’un humanisme pacifique, les conflits les ballottent d’un camp à un autre les obligeant à poser des choix dont ils ne veulent pas. Un propos important pour David Oelhoffen qui souhaitait montrer la façon dont l’histoire rattrape toujours ceux qui la composent, aussi désengagés soient-ils, en les acculant à prendre parti.
Puisque pour citer Reda Kateb, « dans les beaux voyages on trouve toujours autre chose que ce que l’on était venu chercher », oubliez Camus et laissez-vous guider près de ces hommes par Oelhoffen.