Titre : L’insolence des miracles
Auteur.ice : Didier van Cauwelaert
Éditions : J’ai Lu
Date de parution : 05 mars 2025
Genre du livre : Essai
L’insolence des miracles de Didier van Cauwelaert débarque au format poche. Passionné par les histoires insolites que la réalité lui offre, l’auteur nous fait don, quelles que soient nos convictions, d’une occasion de réfléchir et de rêver aux récits de miracles qu’il relate avec enjouement. De quoi amener certains à poser un regard neuf sur ces événements porteurs d’espérance.
Un outil de connaissance
Apparitions mariales, guérisons miraculeuses, miracles eucharistiques, linceuls et suaires acheiropoïètes, ubiquité, stigmates, hémographie, myroblytisme : on hésite en présence des témoignages fournis par l’auteur pour authentifier les faits rapportés. La raison, affolie par des données discrépantes, rechigne à les admettre. Mais, bien que le miracle ne contraigne pas à une adhésion de foi, qui reste un acte intime, il peut devenir, quand on daigne le prendre au sérieux, un outil de connaissance.
Didier van Cauwelaert y insiste : le miracle n’impose ni la génuflexion ni même la reconnaissance du surnaturel ; il peut seulement se mettre au service de nos connaissances en nous exhortant à en repousser les limites. Le monde catholique, dont est tirée la majeure partie des miracles évoqués dans ce livre, frileux à manifester un engouement immédiat pour les hypothèses surnaturelles, ne les considère entre autres critères qu’après épuisement des hypothèses scientifiques : en ce sens, c’est bien à la science non pas de décréter ce qui est miraculeux ou non, mais d’ouvrir la voie à cette possibilité quand elle échoue à rendre compte d’un phénomène comme celui de la tilma de Juan Diego qui remplit l’auteur d’admiration. En outre, la science, dans la mesure où elle pourrait, par exemple, comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la guérison instantanée d’une personne en situation de handicap plongée dans les piscines de Lourdes, serait peut-être en mesure de reproduire artificiellement le mécanisme organique qui y préside. Prendre au sérieux les miracles, quand il y a lieu de le faire, peut donc, comme le pense avec optimisme l’auteur, contribuer au progrès des sciences. Car un miracle, pour paraphraser saint Augustin, ne transgresse jamais que ce que nous croyons savoir des lois de la nature et non les lois de la nature en tant que telles.
Un outil pour la foi
Le miracle n’est pas une preuve de l’existence de Dieu, cela va de soi. En revanche, il peut attester, pour celles et ceux qui le vivent ou en sont témoins, de l’action de Dieu dans leur vie. Parmi les nombreuses histoires que l’auteur nous narre, celle de Bruno Cornacchiola est expédiente pour illustrer la manière dont la profession de foi peut résulter d’un miracle. L’histoire de cet homme correspond schématiquement à celle de la brute épaisse, cinglant contre les bondieuseries, qui devient, suite à un épisode miraculeux, en l’occurrence l’apparition de la Vierge à lui et ses enfants, un homme de foi, regrettant ses gestes violents sur son épouse, guidé dorénavant par des idéaux supérieurs. Que la Vierge au chewing-gum ait existé ou non, qu’Elle soit le produit d’une hallucination collective ou non, le récit énonce que cet homme fut si touché par l’expérience qu’il fit, qu’il se convertit sur base d’icelle. Et cela suffit à montrer que ces événements, quels que soient leur statut et leur origine, sont à même de changer des vies de façon indélébile en les conduisant à Dieu.
L’insolence comme alibi
Dans cette anthologie des miracles que constitue le livre de Didier van Cauwelaert, les chemins parcourus ne sont cependant pas ceux du théologien ou du philosophe, mais ceux du romancier qui se plaît en cette circonstance à raconter gaiement comment les miracles nous jouent des tours, nous confondent. Le fil rouge de l’auteur, qui traverse ces récits entre foi et raison, est l’insolence, c’est-à-dire la rupture avec les habitudes. Et l’on voit aisément que l’insolence est un trait fondamental du miracle, en ce qu’il chamboule notre compréhension, mais surtout en ce qu’il prend parfois des formes si incongrues qu’il peut devenir gênant.
Gênant, le miracle l’est contre toute attente pour les autorités religieuses elles-mêmes qui se trouvent parfois dépassées par la ferveur populaire et l’accréditation hors de contrôle par les fidèles des sites d’apparition ou des thaumaturges : les croyants outrepassent l’autorité ecclésiale en méprisant les enquêtes et procédures prévues par l’Eglise, laquelle se montre toujours prudente vis-à-vis des témoignages rapportés. L’auteur met ainsi en évidence quelques couacs de l’Eglise dans sa gestion de certains cas, comme celui du Padre Pio ou d’Yvonne-Aimée. Néanmoins, au-delà des controverses et des précautions prises par l’Eglise, Didier van Cauwelaert témoigne du fait que le miracle, dans la sphère intime, indépendamment des prises de position officielles, bouleverse les individus qui le vivent.
Les miracles, s’ils sont crédibles, sont importants pour ce qu’ils sont porteurs d’espérance : ils réenchantent notre existence. Et si, l’espace d’un instant ou d’une lecture, nous acceptions ces récits, quels changements auraient lieu pour nous ? Comment cela affecterait-il notre vie ?