Scénario & dessin : Julien Revenu
éditions : Casterman
sortie : 29 avril 2015
genre : roman graphique
Alors qu’il y a dix ans les banlieues françaises étaient sous le feu des projecteurs suite aux violentes émeutes qui embrasaient les quartiers défavorisés – en réaction à la mort tragique de deux adolescents pris dans une course-poursuite avec la police et électrocutés dans un transformateur EDF – le dessinateur Julien Revenu a choisi de revenir sur ces événements brûlants en axant sa fiction sur ces violences urbaines et dans le même contexte social.
Nous voilà plongés dans le quotidien gris de Laurent, un homme menant une existence ordinaire, en famille, dans une banlieue parisienne. Chaque jour, il emprunte la ligne B du RER pour aller vendre des téléphones portables dans un centre commercial. Du matin au soir, entre une compagne mécontente et un patron irascible, il subit son lot de brimades et de petites humiliations. Une réalité pas très riante mais tout de même supportable jusqu’au jour où il se fait racketter dans les transports en commun.
Laurent semble être un personnage lisse et conforme, sans prise de risque. Poreux mais pas peureux, il développe cependant son potentiel subversif à la suite de cette agression qu’il perçoit comme l’humiliation de trop. C’est l’élément déclencheur qui fera basculer le récit dans la spirale de la violence urbaine avec son cortège d’agressions physiques et verbales, sans oublier en toile de fond les contrôles au faciès, les images TV chocs et leur flot incessant de commentaires.
Première parution BD de Julien Revenu, Ligne B réussit, par son ancrage réaliste mais aussi par de belles images mentales, à capturer l’engrenage de la frustration. Il dépeint avec beaucoup d’acuité le mal être urbain et la pression sociale du quotidien grâce à des séquences bien adaptées et des dialogues justes et sobres. On y trouve également une planche très réussie sur la perversité du marketing dont la chorégraphie est très étudiée. Quant au dessin, il est dans un style simple, en noir et blanc avec des teintes bleu-gris, proche du dessin de presse, d’une grande puissance d’expression.
On regrettera cependant que l’histoire se perde un peu en fin de route en raison d’un virage maladroit lié à une course-poursuite mélodramatique peu crédible. Néanmoins, Ligne B est un album percutant, tout en tension, sur une jeunesse désillusionnée ; une sorte de chainon manquant entre Taxi Driver et La Haine, en prise directe avec l’époque des émeutes de Clichy.