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    « L’homme qui danse », la solitude faite homme

    Titre : L’homme qui danse
    Auteur : Victor Jestin
    Editions : Flammarion
    Date de parution : 24 août 2022
    Genre : Roman

    Un homme se réveille, sur une banquette. La quarantaine, Arthur vient d’encore passer une autre de ses nuits dans une boite, à danser. C’est là qu’il est bien, qu’il perçoit du sens dans ses actions quotidiennes. C’est de ce lieu nocturne que son histoire va nous être racontée.

    Victor Jestin raconte la vie masculine qui « ne réussit pas » : à « choper », tout d’abord, en devant vivre la condition frustrante d’être puceau plus longtemps que la moyenne, puis à « se caser », en restant un éternel célibataire. Arthur est d’abord pris dans l’engrenage des injonctions sociales : il sort, danse, parce qu’il faut, pour être bien vu par une bande de mecs qui se foutent de lui comme du reste. Sa solitude lui fait peur, comme elle fait peur à beaucoup, mais il n’arrive pas à se lier aux autres. Progressivement, son corps et comment il le fait bouger une fois la journée passée vont devenir une obsession.

    C’est le deuxième roman de Victor Jestin. Auteur de 27 ans, il avait déjà écrit La chaleur, été incendiaire dans un camping des Landes où un jeune garçon désœuvré cherchait du sens là où il n’y en avait pas, dans cet entrelacs de corps superficiels et de fêtes colorées. Comme ici, ce sont des pages qui décrivent des êtres perdus, seuls, qui ne parviennent pas à se fondre dans la norme. Découpé en courts chapitres, portant le nom d’hommes (et parfois de femmes) que le protagoniste rencontre, le livre déploie une écriture vive et imagée, agréable à lire, même si le sujet est parfois redondant et saturé (d’un manque, d’une envie).

    Comme chez Houellebecq, on parle ici de « loosers », de gens qu’on regarde (tendrement) et qu’on juge à demi-mots. S’il ne parvient pas à regarder son époque dans les yeux, à dé-zoomer, bloqué près de cet homme qui ne s’intéresse à rien d’autre qu’à danser, Victor Jestin évite cependant la misogynie et le passéisme de droite houellebecquien. Son héros cherche un contact féminin, difficile, mais ne le dénigre pas. Peu à l’aise avec les hommes, sans amis, c’est un individu sans ambition aucune, politique, sociale ou intime. Ce qu’il a à proposer, c’est une présence,  un corps vide désireux d’être aimé. Et c’est là peut-être que Jestin touche du doigt notre contemporanéité.

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