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    “L’histoire aberrante de l’alimentation”, n’est-il pas temps de redescendre sur terre ?

    Titre : L’histoire aberrante de l’alimentation
    Auteur : Mark Bittman
    Editions : Actes Sud
    Date de parution : janvier 2024
    Genre : Essai, Document

    Nous mangeons tous. Mais nous mangeons mal. La proposition est sans conteste. L’humanité biberonnée à la malbouffe souffre de l’augmentation des maladies cardio-vasculaires. Les fast-foods, comme le sucre, sont néfastes. Même la publicité ne s’en cache plus. Pourtant, ce n’est que la partie immergée de l’iceberg. La boule qui dépasse du cornet. Le nappage qui recouvre le gâteau. L’histoire aberrante de l’alimentation se propose de remonter bien plus loin. Pour Mark Bittman, la relation toxique que nous entretenons avec la nature qui nous nourrit – puisque c’est avant tout de cela dont il est question – trouve ses origines dans la sédentarisation. L’auteur n’est pas défaitiste. Mais dis comme ça, ça paraît mal engagé pour la suite.

    Le début de l’agriculture marque un point de non-retour. À partir du moment où l’homme devient capable de cultiver sa propre nourriture, la survie de son espèce semble assurée. Au demeurant, c’est une bonne idée. Pourtant, avec la culture de la terre, se pose très vite la question de la propriété qui amorce les inégalités. Sans compter que pouvoir produire donne envie de produire plus, au détriment d’une terre qui n’est pas inépuisable. Entre la naissance de l’agriculture et l’élevage intensif, les aliments transformés ou encore l’utilisation du glyphosate dans le milieu fermier, il y a, évidemment, un monde. Mais voilà que ce monde se retrouve disséqué, étape après étape, par un journaliste, spécialiste des questions culinaires.

    L’histoire aberrante de l’alimentation est effrayante. Elle lève le voile sur des politiques génocidaires, des magouilles entrepreneuriales et autres joyeusetés. L’invention du ketchup pourrait sembler anecdotique mais elle donne le coup d’envoi à des pratiques marketings saturées par l’hypocrisie. Le sujet est lourd, et pourtant Mark Bittman l’aborde sans nous écœurer. Pour autant, il n’est pas impartial. Entre les lignes, se devine un discours profondément anti-capitaliste. Mark Bittman c’est un peu l’Howard Zinn de l’alimentation. Comme lui, il se concentre d’ailleurs tout particulièrement sur les États-Unis. De L’histoire aberrante de l’alimentation, nous obtiendrons très peu d’informations quant aux normes européennes qui régulent ce marché, et leur histoire.

    Si la situation est alarmante chez nos voisins outre-Atlantique, nous serions bien naïfs de penser qu’elle ne l’est pas chez nous, ou ailleurs. Mais à quel point ? C’est sans importance. Quelle qu’elle soit, la situation n’est pas sans issue, nous dit Mark Bittman. Le dernier chapitre de son essai récriminatoire nous parvient comme un vent d’espoir. Il apporte des solutions pour penser une agriculture plus respectueuse à la fois de nos terres mais aussi de nos corps, car l’un ne va pas sans l’autre. L’aberrante histoire de l’alimentation ne se consomme pas comme un livre de développement personnel. Ce n’est pas un guide pour adopter un mode de vie sain. Ce n’est pas non plus un condensé de théories du complot, comme son titre aurait pu le laisser croire. Il n’est pas moralisateur. Et pourtant, il expose une triste réalité, qui devrait être connue par chaque être humain qu’il soit producteur, ou non, de la nourriture qui l’ingère.

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