de Marc Helsmoortel
Mise en scène: Jean-Luc Duray avec Graziella Boggiano, Jean-Luc Duray, Jean-Pierre Denuit et Eric Hamesse
Du 23 mai au 15 juin à 20h30 au Théâtre de la Flûte Enchantée
Rue du printemps n°18, vous franchissez un petit porche donnant accès à une cour intérieure. Celle-ci prend des airs discrets de favela qui ne peuvent que vous faire douter d’être arrivé à destination. Vous suivez pourtant votre instinct ou à défaut, les voix et l’affluence propres aux manifestations culturelles. Avant d’être arrivé dans le théâtre, une impression de dénuement, d’exiguïté qui n’ira qu’en s’affirmant vous gagnent. Alors que vous formulez déjà involontairement un jugement, le steward installé au guichet (et qui se trouvera par ailleurs être un acteur), d’un sourire vous accueille. Il brandit une boule à neige devant vos yeux étonnés dont les flocons pailletés ne cesseront de danser dans vos méninges qu’en découvrant le sujet de la pièce…
C’est que ces globes tenant dans la paume de la main, avec leurs neiges éternelles, sont collectionnés avec une passion qui confine à la folie par Jean Mercier, le personnage principal. Effrayé à l’idée du changement, du vieillissement et de toutes autres formes d’écoulement du temps, ce dernier se raccroche en effet à ces objets pour fuir la réalité : le bonheur conjugal sapé par les longues années passées ensemble, les enfants grandis et déjà partis… Ce nouveau passetemps semble idéal, cependant, il n’est pas lui-même sans poser de problèmes… Tout doucement, une idée émerge : serait-il possible de mettre sa femme sous verre, pour la garder belle, telle qu’il l’a connue et aimée, habillée invariablement de ce blanc de poudreuse ? A travers une enquête policière et les brides de la vie de Jean Mercier et de sa femme Charlotte ― si bien déformées par le prisme des boules à neige que l’on ne sait plus s’il s’agit de scènes vécues ou de délires ― le spectateur est amené à se poser des questions sur cette illusion de temps maitrisé qui ne peut que conduire à la folie ainsi que sur la recherche d’éternité dont on se demande parfois si elle ne nous conduit pas, davantage même que l’action du temps, vers la mort.
L’on ne peut que conseiller aux aventuriers philanthropes d’aller voir cette pièce complexe (comme c’est souvent le cas lorsqu’on touche au temps), écrite de main de maitre, soutenue par une très bonne interprétation de Jean-Pierre Denuit dans le rôle de Jean Mercier ainsi que par quelques trouvailles dans une mise en scène restreinte par de criants manques de moyens… Après tout, loin du standing formalisé et hygiénique des institutions théâtrales de grande envergure, dans l’obscurité d’une petite salle, les chiffres du cadran des horloges ont su briller comme des rosaces d’églises qui auraient été érigées à l’intention de Chronos, ce dieu tout puissant et inflexible que nous redoutons tous.