Titre : Les sentiers de neige
Auteur.ice : Kev Lambert
Edition : Le nouvel Attila
Date de parution : 04 octobre 2024
Genre du livre : Roman
Dans son troisième roman, l’étoile montante de la littérature québécoise dont le succès égale presque l’audace, Kev Lambert, se contracte et s’étrécit pour infiltrer le monde, plus petit mais pas moins compliqué, des enfants.
Querelle, avec son sexe aux dimensions appétissantes, transpirant la virilité et la sensualité, séduisait même les hommes les plus hétéros. Querelle, le libidineux, qui prête son nom au livre dont il est le héros, mêlant désirs inavoués et luttes syndicales, avait déjà propulsé son jeune auteur.ice sur les devants de la scène littéraire francophone. Mais c’est avec son second roman, qui, aux antipodes du premier, s’intéresse aux questionnements moraux des ultra-riches, que Kev Lambert se fait sa niche dans le milieu très sélectif des concours littéraires. Il va sans dire que la troisième métamorphose de l’irrévérencieux.se Kev est très attendu. Métamorphose, pour l’expérience de travestissement littéraire qu’offre l’auteur.ice qui se glisse dans la peau de personnages très différents en adoptant leur lexie et en s’imprégnant de leurs angoisses. Après le milieu des ouvriers et celui des milliardaires, c’est un monde encore plus hermétique que pénètre Kev, en retrouvant son âme d’enfant.
Kev Lambert décrit la solennité des missions auxquelles se risquent les petits. Iel s’aventure dans des territoires oubliés, où des masques fondent sur la peau, où la nuit monstrueuse avale l’innocence, où la lune peut s’effondrer laissant à la place de la maison familiale une empreinte cratèreuse et fumante. Pour ce faire, Kev Lambert utilise une référence partagée par tous les (presque) trentenaires du monde, la découverte de la nintendo comme nouvelle technologie de divertissement, peu avant la démocratisation de l’ordinateur et du smartphone. Nous sommes à l’aube des années 2000, Zoey et Emie-Anne sont les grands élus, seuls capables de libérer de ses démons la créature tapie dans le dôme imaginaire où se réfugie Zoey quand sa féminité le rend sujet aux moqueries. En arrière-fond, il est à nouveau question des étiquettes sociales collées aux identités de genre. Mais le sujet n’est pas tout à fait abordé de la même manière que dans Querelle. On sort du monde du fantasme pour rejoindre celui, pas si éloigné, de l’imaginaire.
L’épopée est intense. On apprend à détester ces adultes grivois et avinés qui ne comprennent décidément rien aux choses importantes. De l’autre côté de l’interface du jeu vidéo, et de celle de l’imagination enfantine, se trouve la campagne canadienne avec son froid qui ronge les os et ses repas de famille où la grossièreté précède déjà l’ivresse. Dans ce roman où les points de vue s’enchaînent sans sutures, la transition est multiple. Kev n’écrit pas seulement les mots qui traversent les enfants, iel adopte aussi les attitudes ridicules des adultes qu’on a privés de leur imagination. Iel reproduit leur dialecte, aux accents franchement québécois, qui ne manquent jamais de faire sourire les autres francophones. Les sentiers de neige est un chemin obscur qui nous mène au passé, quand les choses qui nous animaient avaient bien plus d’importance.