Titre : Les Ravissements
Autrice : Jan Carson
Éditions : J’ai Lu
Date de parution : 2023
Genre : Roman
Juin 1993, l’année scolaire se termine à Ballylack, petite ville reculée d’Irlande du Nord. Sur fond de Troubles, le conflit nord-irlandais, la classe de Mme McKeown s’apprête à profiter des vacances d’été. Parmi les élèves, Hannah Adger espère un été insouciant, et du haut de ses 11 ans, se laisse parfois rêver à un avenir où elle pourra être comme tout le monde, sans devoir se conformer aux convictions religieuses de ses parents.
Les vacances sont cependant vite troublées par la mort de Ross. L’explication d’une grippe d’été ayant emporté un enfant souffreteux s’effrite à mesure que ce mal mystérieux gagne d’autres enfants. Bientôt l’enchaînement des décès fait basculer Ballylack dans un état de panique. Ne présentant aucun symptôme, Hannah est néanmoins perturbée : elle voit et parle avec le fantôme de ses camarades morts.
Les Ravissements pourrait faire croire à un récit fantastique ou une histoire de fantômes. La succession de morts, mystérieuses, pour laquelle la petite communauté cherche désespérément une explication pourrait aussi transformer le récit en enquête policière. Il n’en est pourtant rien, car le roman est plus proche du réalisme magique, un genre littéraire aux contours flous. Ici, pas de magie ou d’événements paranormaux, mais un récit réaliste où s’intègre une part d’étrangeté, de mystère, d’inexplicable, sans perdre l’ancrage concret et historique.
Les Ravissements est aussi une sorte de roman d’apprentissage pour Hannah et les élèves décédés de sa classe. Il s’y joue les questions de l’adolescence, les aspirations pour le futur et le regard de plus en plus critique sur la société de Ballylack.
Le récit est touchant, quand il donne à voir des espoirs déçus des personnages, quand il montre comment ces derniers, perdus face aux malheurs, s’accrochent aux « on-dit », à l’ordre social, à la religion, à tout ce qui constitue une bouée de sauvetage pour garder le contrôle. Le plus poignant est la solitude d’Hannah, perdue entre l’envie d’être comme tout le monde et celle de se conformer aux attentes de ses parents. Perdue, car elle ne comprend pas pourquoi elle seule voit ses camarades morts, pourquoi elle seule n’a pas de symptômes. Pour autant, l’autrice n’hésite pas à distiller de l’ironie tout le long du récit, tournant en ridicule les travers de cette petite société et les mesquineries des un(e)s et des autres.
Livre difficile à catégoriser, Les Ravissements trouve son charme dans la part de mystère qu’il cultive. En le terminant, il reste l’impression d’avoir entrouvert une porte sur quelque chose d’insaisissable.