De Michel Houellebecq, adaptation, mise en scène et scénographie de Julien Gosselin, avec Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Geraldine Roguez, Maxence Vandevelde. Du 5 au 9 décembre 2017 au Théâtre National.
Tout commence par un doux poème sorti de la pénombre mais ne vous y trompez pas, cela ne dure qu’un temps. Lumière blafarde et son retentissant vous font directement émerger de cette délicatesse. Devant nous, se trouve un tapis vert entouré d’estrades, une douzaine de comédiens musiciens et techniciens. On nous dépeint l’arbre généalogique de deux demi-frères que tout oppose. L’un est un scientifique visionnaire, l’autre est un professeur obsédé de sexe. Ce sont des personnages à la pointe du désespoir que nous présente ici Michel Houellebecq, écrivain français et précurseur dans la littérature française pour ses descriptions de la misère affective et sexuelle de l’homme occidental dans les années 1990 et 2000. Michel Houellebecq publie en 1998 Les Particules élémentaires qui connu un fort retentissement à sa sortie. A travers l’histoire de ces deux demi-frères, on traverse l’évolution française de 1960 à 1990. La pièce nous parle de l’héritage de 68, de la culture rock et pop, du rapport au savoir, de la relation au sexe, à l’amour et aux femmes. Michel Houellebecq nous décrit à travers des personnages attachants, pathétiques et perdus, un tableau défaitiste d’une époque durant laquelle les gens ont profondément espérés et crus à un meilleur possible malgré la cruauté de l’Homme, qui aujourd’hui n’est plus. Ces personnages tentent alors de vivre au mieux dans la faillite des croyances de mai 68.
Julien Gosselin, metteur en scène français, crée la pièce en 2013 dans le cadre du festival d’Avignon. Elle est la première adaptation française au théâtre. La création est portée par la compagnie Si vous pouviez léchez mon cœur, qu’il a crée avec Guillaume Bachelé, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier, à la sortie de l’EPSAD, école d’art dramatique du Théâtre du Nord à Lille en 2009.
Dans sa mise en scène, Julien Gosselin choisit de mêler la musique, la vidéo en live, le théâtre récit et choral et le dialogue. Malgré des voix quelque peu criardes et un son parfois trop retentissant, la mise en scène est dynamique et nous accroche durant les 3h50 de spectacle. Julien Gosselin a su trouver l’équilibre d’une écriture qui oscille entre cru, voire trash et poésie, humour. Nous sommes pris entre une certaine mélancolie, parfois du dégoût et un rire libérateur. On tire notre chapeau à la scène hilarante du yoga, où l’on y voit ces soixante-huitards tentant de se raccrocher à des bribes de bien-être dans leurs post-traumatismes d’une époque révolue et désenchantée. Le long de la pièce, plusieurs rencontres entre hommes et femmes se font mais ce sont des destins sexuels ratés, affamés, des désirs d’amour avortés. Bien que le fond est pessimiste, l’écriture et le choix de la mise en scène crus, nous ne sortons pas de la pièce désespérés car cette chute, d’après l’auteur, n’est que le début d’une nouvelle Histoire.
Alors nous, public et vieille génération, sommes priés de laisser place à une nouvelle ère.