De Patrick Bonté
Mise en scène et chorégraphie de Patrick Bonté et Nicole Mossoux
Avec Dorian Chavez, Colline Libon, Lenka Luptáková, Frauke Mariën et Eléonore Valère-Lachky
Du 12 décembre au 18 décembre 2024
Au Théâtre Les Tanneurs
Au Théâtre Les Tanneurs, la compagnie Mossoux-Bonté recrée un de ses spectacles emblématiques. Même trame, nouvelle distribution, bande-son revisitée pour explorer l’univers du peintre allemand de la Renaissance.
Sur la scène plongée dans le noir, un immense panneau percé de huit fenêtres. L’une d’elles s’éclaire donnant à voir une femme vêtue d’un épais tissu de brocart rouge. Immobile, elle prend doucement vie. Dans une autre case, ce qui ressemble à un dignitaire religieux trône aux côtés d’un poisson tandis qu’en bas à droite les doigts d’une femme, dont on ne voit ni la tête ni les jambes, parcourent un volumineux ouvrage ancien. Une femme promène sur son torse la lame d’une dague, cherchant le meilleur point où l’enfoncer.
Les uns après les autres, des cadres s’allument et chacune des images qui les habitent devient personnage vivant. Une main disparaît d’un cadre, une autre apparaît ailleurs. Chacun vit sa vie de son côté et, par moment, un mouvement similaire se propage de case en case. Parfois, deux images dialoguent, interagissent, se répondent. Puis certains cadres accueillent deux personnages et une scène se joue entre eux.
Tout commence en 1988, Nicole Mossoux et Patrick Bonté, alors en tournée à Londres, découvrent le portrait d’une princesse peint par Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553). Ils sont frappés par l’ambiguïté qui se dégage du regard et de la pose – typiques chez Cranach qui aimait cultiver le trouble – de la princesse qui pourrait autant être une sainte qu’une mégère assassine. De là l’idée d’aller au-delà du portrait en imaginant son histoire avant de prendre la pose ou son destin après que le tableau soit terminé. La Cie Mossoux-Bonté crée en 1990, à Tilburg aux Pays-Bas, De ultieme gevoelens van Lucas Cranach de Oude. Joué plus de 150 fois à travers l’Europe, pendant 25 ans, il est devenu un des spectacles-emblématiques du travail de la compagnie sur l’image et le détail.
Les nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien conservent cette atmosphère dominée par l’humour, l’érotisme et le mystère de la présence des personnages. Le dispositif scénique et la dramaturgie sont identiques à ceux de l’œuvre originale mais il n’y a pas eu de transmission entre les premiers et les nouveaux interprètes. Tout à été ré-improvisé et pourtant certaines séquences sont semblables alors que d’autres se sont ajoutées ou ont été métamorphosées. En revanche, Thomas Turine, qui a adapté au goût du jour la musique originale de Christian Genet, a travaillé en étroite collaboration avec ce dernier.
Le spectacle d’une esthétique remarquable joue sur le contraste entre la lumière et le noir, les axes et angles de vue, avec une vie qui se devine hors cadre, les attitudes, les postures des personnages. Et s’il n’est pas question de reproduire en tant que tels des tableaux du maître, on retrouvera sans hésitation les références, notamment, à Saint-Georges, Adam et Eve, les vierges à l’enfant, Lucrèce et la Vénus à la source. Les danseuses et le danseur – Dorian Chavez, Colline Libon, Lenka Luptáková, Frauke Mariën et Eléonore Valère-Lachky – brillent par la précision et l’intensité de leur interprétation.