Titre : Les jours parfaits
Autrices : Jacobo Bergareche
Editions : Acte Sud
Date de parution : 4 septembre 2024
Genre : Roman
Luis se retrouve à Austin, au Harry Ransom Center, une centrale d’archives conservant des millions de papiers, lettres et documents du monde entier. Alors qu’il y allait pour le travail et se pencher sur la documentation existant autour du Watergate, il découvre l’échange épistolaire tenu, sur de nombreuses années, entre William Faulkner et son amante Meta Carpenter. Son attention se tourne alors entièrement sur ces mots échangés tandis qu’il écrit lui-même une lettre à son amante Camila.
Les jours parfaits est découpé en deux. La première partie, datée de juin 2019, est adressée à Camila, écrite à Austin. La deuxième partie, plus courte, est la lettre que Luis écrit à sa femme Paula, le même mois, à NYC. Dans les deux parties, des reproductions de l’échange épistolaire entre Bill (Faulkner comme il se surnomme) et Meta permettent d’avoir en tête une image visuelle de l’écriture de Faulkner, ou des dessins qu’il envoyait à Meta.
Les jours parfaits est une histoire de passion contrariée et de mariage qui tourne à l’ennui. Lors d’un voyage à Austin, Luis fait la rencontre de Camila, mariée également. Le « couple » infidèle, venu pour des raisons professionnelles différentes au Texas, va alors passer quatre jours de passion folle, pour se revoir dans la même ville trois autres jours, un an plus tard. Ils se seront vus en tout sept jours, et pas un de plus, car la veille de se revoir pour une troisième fois, un an après leur dernier rendez-vous, Camila écrit à Luis qu’elle est cette fois accompagnée de son mari et qu’elle doit mettre un terme à leur passion. Luis lui écrit donc cette lettre (fictive ?) qui compose ce roman.
C’est un livre qui glorifie la passion qui dure quelques jours (au contraire d’Annie Ernaux dans son livre Passion simple), selon le point de vue de trois hommes (Luis, Bill et Jacobo, l’auteur) ces moments où l’autre n’est que nouveautés, découvertes, extases, mouvements, où les lendemains après sexe sont toujours aussi chantants, la conversation ininterrompue, les crottes dans les yeux au réveil sont invisibles. C’est aussi un livre qui se demande que faire du mariage « jusqu’à la mort », de ce contrat qui oblige deux personnes, deux parents, à s’« aimer », à « rester ensemble », alors que tout est connu, plus rien ne pimente la vie, la relation.
La plus belle qualité de ces jours parfaits, à côté de sa liberté narrative jouant du passé, du futur et du conditionnel, est de se pencher justement sur le concept de jour parfait, dont Luis manque cruellement avec Paula. Qu’est-ce qu’un jour parfait ? Aidé par Faulkner, s’appuyant avec beaucoup de douceur et d’imagination sur cette passion morte et enterrée depuis des décennies, Luis imagine une journée faite de petits riens, de réveils, de dîners, de promenades, de jeux, une journée qui comble tout malgré/par sa simplicité apparente, contrairement à ces dimanches après-midi avec sa femme, où le vide se fait sentir. Là-dessus, le destin de Luis se différencie de celui de l’écrivain américain, qui finira aussi par trouver l’ennui avec son amante, avec qui la relation durera néanmoins beaucoup plus longtemps. Apparemment, Faulkner préférera la compagnie des chevaux qu’à ses amantes femmes.
Jacobo Bergareche nous raconte avec un style un peu snob ces histoires épistolaires, parfois redondantes, surtout dans la deuxième partie où Luis reprend les mêmes passages de Fauklner que dans la première partie pour les détailler cette fois à Paula. Il sait qu’il écrit bien, étire ses phrases parfois sur une page et demi (même si le format du roman n’est pas bien grand). Son personnage principal qu’est Luis dit lui-même qu’il aurait pu être poète. On ressent un certain mépris pour le monde « moderne », qu’on ne peut cependant qu’interpréter, par ce rejet de notre époque, des écrans qui détruisent tout, et par cette interdiction prônée par Luis de faire entrer en Italie toute personne avec une teinte de cheveux « hors normes » en Italie, pour ne pas « dénaturer » les lieux. Évidemment, un personnage n’est pas un auteur… Cependant, la forme du livre même, plus petit et rectangulaire, montre qu’on a affaire ici à un auteur qui se veut Auteur avec un grand A, et grand bien lui fasse, il faut juste en être conscient quand on commence la lecture.