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    « Les Jeunes Amants », touchée par Éros à soixante-dix ans

    Les Jeunes Amants
    de Carine Tardieu
     Comédie dramatique
    Avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France
    Sorti le 9 février 2022

    Les Jeunes Amants, film typiquement français de Carine de Cardieu, choisit de présenter la dimension perturbante de la rencontre amoureuse ; elle survient chez deux protagonistes jusque-là épargnés de la fièvre qui caractérise la recherche de l’amour.

    L’aventure entre Shauna et Pierre débute sur un deuil entre les murs froids d’un hall d’hôpital, les premiers mots échangés, je ne voulais pas vous déranger pose d’emblée le principe de désordre en maître-mot du film. Quinze ans plus tard, c’est en Irlande que le médecin vient la déranger dans son sanctuaire pittoresque. Désordre émotionnel, désordre temporel, désordre sanitaire surviennent consécutivement au fil des séquences. Leur rencontre est douce, bienveillante, pas vraiment improbable si l’on se réfère à leur appartenance à une même classe sociale, leur élégance et leur environnement protégé commun. L’enivrante Shauna – qui paraît plus à l’aube de la cinquantaine que proche du lit de mort – et le jeune Pierre, nerveux et opiniâtre sont touchant, car ils ne rentrent pas dans les stéréotypes du Bel-Ami ou de la sulfureuse cougar. Dès le début, la dame – marquée par le caractère frivole de son ancien mari se montre méfiante face aux considérations esthétiques de Pierre – très maladroit – qui lui rappelle que les seins, c’est beau et que parfois la beauté passe avant les états fatals de l’existence, telle que la mort.

    Confrontés aux vicissitudes du quotidien banales au XXIème siècle : cancer, difficulté à rencontrer quelqu’un dans une grande ville ou adultère dans le mariage. Les personnages sont tous à la recherche d’une forme d’équilibre. La maladie vient compromettre cette promesse d’équilibre : celle de Mathilde, l’amie de cœur, celle de l’amour imprévu qui ne semble profiter à personne, et enfin, celle de Parkinson, aussi radicale qu’effrayante, qui ramène Shauna à la réalité brutale de la sénescence. Pierre est médecin, mais il est démuni face à cette fatalité sans appel et ne semble pas trouver les mots justes pour défier les tragédies causées par le temps. Chacun voit alors ses étroites certitudes bouleversées et se confronte durement avec l’ambiguïté morale d’une société âgiste.

    Érotiser la femme de soixante-dix ans, presque soixante-et-onze – qui sonne tel un avertissement dans la bouche de Shauna – n’est pas une thématique récurrente dans le septième art ; mis à part des exceptions – comme avec Isabelle Huppert dans Elle ou La Pianiste – il n’est pas courant d’en dresser un portrait charnel. À cet âge-là, la femme et une mère, une grand-mère, une papesse gratifiée par la sagesse, mais pas un objet de désir. Dévoiler son corps qui a subi les sévices des années nous ramène à notre propre condition tristement mortelle, l’allégorie du sablier qui apparaît en premier plan dans une des scènes finales appuie lourdement cette tribulation. Cet effet miroir ne manque pas de déstabiliser nos conceptions du glamour craignant d’être rongées prématurément par une décrépitude à laquelle on ne peut échapper.

    Ceux avec qui je commence ma vie ne sont pas forcément ceux avec qui je vais la finir, cette phrase d’un ami de Pierre souligne le fait qu’on ne peut faire de schéma type dans le cycle de la vie et qu’une symétrie parfaite n’existe pas. Ce film rend un hommage tendre à Solveig Alpach et aborde un sujet souvent mis de côté, la passion à l’âge mûr, il aurait néanmoins mérité une finesse d’écriture dépassant celle d’un téléfilm et un investissement émotionnel plus crédible de la part de certains acteurs comme Melvil Poupaud. L’intensité de Fanny Ardent reste quant à elle intacte ainsi que celle des personnages de second plan comme Florence Louret-Caille ou Cécile de France.

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