Les Hirondelles de Kaboul
de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
Animation
Sorti le 4 septembre 2019
Ces dernières années, c’est avec enthousiasme que l’on observe que le cinéma d’animation tend à se diversifier de plus en plus, que ce soit en ce qui concerne les techniques utilisées, mais aussi au niveau des thèmes abordés. Peu à peu, tout le monde semble accepter le fait que les films d’animation sont loin de se cantonner à un seul public, qui serait forcément (très) jeune. C’est bien le cas de Les Hirondelles de Kaboul, réalisé par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec.
Adapté du roman éponyme de Yasmina Khadra, Les Hirondelles de Kaboul aborde une période de l’Histoire récente, à Kaboul, alors occupée par les talibans. Aussi, il pourrait rappeler un autre film d’animation traitant de ce même sujet : The Breadwinner (Parvana une enfance en Afghanistan), réalisé par Nora Twomey en 2018. Si ce dernier abordait la question du point de vue d’une enfant, Les Hirondelles de Kaboul multiplie les perspectives ; deux jeunes étudiants qui se destinaient à l’enseignement, un gardien de prison, une femme malade, un vieillard considéré « fou » …
Autant de personnages qui démontrent, chacun à leur manière, les implications et conséquences du régime ; leur volonté de liberté ou de changement, leurs doutes quant à la possibilité d’un avenir meilleur, ou même leur impuissance face à une société dont ils sont, parfois, à la fois bourreaux et victimes. De plus, cette mosaïque de personnages permet aux réalisatrices d’aborder une pluralité de sujets ; l’éducation et l’enseignement, la manipulation, la place prépondérante de la religion et la radicalisation, la société hautement patriarcale…
Visuellement, le film offre de très belles images ; aquarelles qui prennent vie et donnent le sentiment d’une grande fluidité de mouvement. À celles-ci s’ajoute une palette de couleurs pastel, déclinaisons de tons ocre, bruns et bleus, qui rendent le film véritablement agréable à l’œil. Minimalistes, mais totalement réussies, ces « peintures mouvantes » plutôt douces et poétiques contrastent tout en s’accordant avec la noirceur du sujet évoqué.
Un beau film d’animation, nourri de valeurs de liberté, d’émancipation et de paix : l’initiative ne peut qu’être saluée. Permettre de mettre des images, et des visages, sur un conflit récent aux retentissements multiples et encore contemporains n’est, en effet, que bénéfique. Malheureusement, le film perd quelque peu de son impact par un manque de substance accordée à ses personnages, aux buts qu’ils poursuivent et aux relations qu’ils entretiennent. En résultent des rebondissements trop prévisibles et des personnages (à une exception près) un peu manichéens. Bien que ces derniers puissent être perçus comme des représentations presque archétypales, et donc forcément un peu stéréotypés, pour symboliser un moment de l’Histoire, l’on aurait apprécié qu’un meilleur développement leur soit octroyé. Car, si de nombreux thèmes et profils sont abordés, ils le sont de manière assez superficielle.
Néanmoins, en donnant à voir des « visages » et par son apparente simplicité, Les Hirondelles de Kaboul permet d’amener de plus larges réflexions, de visualiser et de raconter une époque, encore assez proche (et trop peu souvent portée à l’écran), sous une forme animée originale, et particulièrement belle.