De Michel Tremblay, mise en scène de Victor Scheffer, avec Sandy Duret, Gaelle Swann, Matthieu Meunier, Emmanuel Dell’Erba, Kody, Xavier Elsen, Céline Chappuis, Hélène de Bruxelles et Karen de Paduwa
Du 3 au 25 mai 2015 à 20h30 au Théâtre de la Toison d’Or
Il était une fois, au fond des grands bosquets lointains de nos souvenirs et dans les magnifiques châteaux de notre enfance, un petit chaperon rouge qui avait peur du grand loup, une Belle au bois dormant ensommeillée dans l’attente de son prince charmant, une Cendrillon qui balayait en rêvant d’une meilleure vie… Il était une fois, deux fois et mille fois, toutes ces balivernes, autant de fois qu’on nous a raconté des histoires auxquelles on s’est accroché avant de tomber dans la déception de la réalité.
Les Héros de mon enfance vient mettre fin à la suradéquation de ces histoires. La pièce ne casse pas seulement les stéréotypes des contes de fées mais les transforme en révélant les couches internes les plus profondes des personnages. La méchante sorcière qui a déjà couché avec le grand méchant loup est en un homme barbu en talons à la voix grave qui semble sortir d’un Rocky Horror Picture Show. Le prince charmant préfère se taper le grand méchant loup que d’embrasser la Belle au bois dormant. Cette dernière semble avoir avalé, en plus de quelques substances non conseillées pour enfants, le dictionnaire du français soutenu. Le Petit Poucet dépose sa trompe dans la corolle du Petit Chaperon Rouge et le monde des deux enfants se trouve à jamais transformé.
Comme le fait Bruno Bettelheim dans son ouvrage « Psychanalyse des contes de fées » auquel la pièce semble faire un clin d’œil, Tremblay et Scheffer transforment les bijoux de l’enfance en sexe, viol, violence, pédophilie, toxicomanie, travestissement, égocentrisme… Aujourd’hui plus que toujours, ne faut-il pas éduquer ses enfants dans la réalité d’un monde imparfait plutôt que de les laisser baigner dans l’ignorance et la perfection des contes de fées ?
La mise en scène de Scheffer donne au texte de Tremblay toute sa puissance et lui rajoute une dimension moderne qui va de pair avec notre monde d’aujourd’hui. Si le physique d’un acteur effectue la moitié de son travail en le rapprochant de l’apparence d’un type de personnages, le caste de la pièce va plus loin avec des performances bien hallucinantes. Les acteurs vous transportent – en employant chansons, danses, performances et comédie – dans un monde féérique, et non pas celui auquel vous vous attendez.
S’il s’avère difficile d’employer les codes du théâtre enfantin tout en les détournant pour un public plus âgé, Les Héros de mon enfance parvient à employer la parfaite adéquation entre le genre et l’anti-genre.