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    « Les films d’horreur vous permettent de pousser les images jusqu’au point de rupture »

    Lauréat d’un Corbeau d’Argent, le Son de Ivan Kavanagh a certainement été un des films les plus remarqués de cette édition du BIFFF. L’occasion de s’entretenir avec le réalisateur irlandais qui est revenu sur la genèse de son film, son amour pour le cinéma d’horreur et son envie de venir présenter une autre réalisation au BIFFF dans les prochaines années. Et pour ceux qui n’ont pas encore vu le film : spoiler alert.


    Bonjour Ivan Kavanagh. Tout d’abord, je tiens à vous dire que Son est probablement un de mes coups de cœur du festival. J’ai vu dans une précédente interview que l’idée du film vous était venue lorsque votre propre fils a eu quelques nuits difficiles.

    Ivan Kavanagh : Tout à fait. La naissance de mon fils a été plutôt difficile et les mois qui s’en sont suivis ont été durs. Nous avons eu de nombreuses nuits sans sommeil. C’est durant cette période que s’est forgé un lien mère-fils très fort entre eux. C’est un lien tellement puissant et spécial. Biologiquement, une mère et son enfant seront toujours plus proches qu’un enfant et son père. Et c’est là que je me suis posé la question : y a-t-il quelque chose qu’une mère ne ferait pas pour son enfant ? Cela a été le point de départ de mon film.

    Un point très intéressant dans votre film est que vous brisez un tabou de notre société : l’innocence de l’enfant. Dans Son, l’enfant est à la fois diabolique dans son essence mais aussi innocent.

    I.K. : Effectivement. C’est une dualité avec laquelle je voulais jouer. Mais l’enfant ne peut pas s’en empêcher, il ne peut pas aller contre sa nature. Il est à moitié son père et à moitié sa mère. Peut-être que peu importe ce qu’une mère comme celle dans Son réalise, l’enfant est destiné à être comme son père. Pour moi, le film n’est pas terrifiant. Il a plutôt une atmosphère lourde. Mais ce qui est terrifiant c’est la fin et l’implication de celle-ci. Que l’enfant soit réuni avec son père qui est le mal incarné.

    On peut d’ailleurs sentir la présence du père tout au long du film et une tension constante. Vous ne vouliez apparemment pas faire un film d’horreur dans un premier temps. Est-ce vrai ?

    I.K. : C’est vrai. Au début, je partais plutôt sur un film qui traitait de la garde d’un enfant entre sa mère et son père. Mais ensuite tous ces éléments horrifiques sont arrivés naturellement et ils s’inséraient parfaitement. J’aime tous les genres de film. J’ai fait des drames, des westerns. Mais les films d’horreur vous permettent de pousser la barre plus loin que les autres. Ils vous permettent de pousser les images presque jusqu’à un point de rupture. Le public va l’accepter. Je voyais aussi Son comme un cauchemar ou un rêve et le film suit d’ailleurs la logique du rêve. Durant le tournage, mon éditeur commençait à être très attaché au scénario. Mais pour moi, le plus important n’est pas le scénario mais plutôt ce qui se passe dans la tête des personnages, l’atmosphère. Le récit est secondaire. Pour moi le plus important c’est le sentiment des personnages. Et les films d’horreur vous permettent de suivre cette logique en étant aussi extrême et réel qu’on veut l’être. C’est génial.

    Comme influence pour un film comme le vôtre, on serait tenté de penser intuitivement à Rosemary’s Baby. Quels ont été vos inspirations ?

    I.K. : Avec la naissance de mon fils, je n’ai pas eu le temps de voir des films pour m’en inspirer mais les inspirations ont été inconscientes. Dans un sens, mon but était de recréer mes sentiments quand je regardais ces films d’horreur exceptionnels des années 60, 70 et 80. Mais bien entendu, je vois bien les éléments qui s’inspirent de films comme Rosemary’s Baby ou L’Exorciste. Même si pour moi, Rosemary’s Baby fait partie des rares films à être totalement parfait. Je me rappelle la première fois que j’ai vu ce film. J’avais 7 ans et j’avais de la fièvre. Je me suis levé au milieu de la nuit pour aller voir ma mère et mon père et ils étaient en train de regarder le film. Et je suis arrivé au moment où elle regarde dans le berceau et s’écrie « Qu’avez-vous fait à ses yeux ? ». Cette scène est restée gravée en moi. Mais je vois aussi des points communs entre mon film et Chromosome 3 de Cronenberg.

    J’ai particulièrement apprécié l’atmosphère lourde et poisseuse qui m’a aussi  parfois fait penser à la première saison de True Detective dans certains points.

    I.K. : Cela provient de l’endroit de tournage. Filmer dans les Etats du Sud aux Etats-Unis apporte cette ambiance. Nous avons filmé au Mississipi. Cela donne une atmosphère spéciale. Je suis athée mais là-bas, la religion est véritablement un acteur vivant de la société. Les gens croient en Dieu, dans le mal, dans les démons. Cela participe à l’atmosphère du film. Le motel dans lequel la femme et son fils se retrouvent par exemple est tout droit sorti de l’enfer. Ils commencent le film dans une banlieue chic américaine et ensuite passent dans cette version Taxi Driver des Etats-Unis.

    Vous sentez-vous connecté avec le cinéma d’horreur ?

    I.K. : Cela me permet de créer une atmosphère. Dans un des westerns que j’ai réalisés, l’atmosphère était aussi horrifique mais je ne pouvais pas pousser celle-ci autant que je l’aurais voulu. Car les spectateurs ne l’auraient pas accepté. Dans un film d’horreur en revanche, on peut le faire. J’ai toujours été attiré par les films d’horreur. C’était toujours la première section que j’allais visiter dans les magasins de location de films. Je me souviens la première fois que j’ai vu Massacre à la Tronçonneuse au cinéma. C’était ce qui se rapprochait le plus d’être dans le cauchemar de quelqu’un.

    Êtes-vous déjà venus au Festival du Film Fantastique de Bruxelles ?

    I.K. : Pas encore. J’ai passé trois ou quatre mois à Bruxelles quand on faisait mon film Never Grow Old. Mais quand j’ai appris que mon film allait être diffusé au BIFFF, j’étais tellement impatient de venir. C’est dommage de ne pas avoir pu le faire mais j’espère que je pourrai le faire pour une prochaine réalisation. C’est vraiment dommage car je n’ai jamais pu voir l’effet qu’il avait sur un public. D’autant que mon éditeur m’a déjà dit que le BIFFF avait une ambiance fantastique, que le public criait pendant les films et qu’il y avait tout une tradition sur le fait de chanter une chanson. Cela ressemble vraiment à une atmosphère de festival. J’espère y goûter pour mon prochain film.

    Olivier Eggermont
    Olivier Eggermont
    Journaliste du Suricate Magazine

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