scénario et dessin : Sylvain Savoia
éditions : Aire libre
sortie : 24 avril 2015
genre : Documentaire, biographie historique
À la fin du XVIIIème siècle, un navire avec à son bord des esclaves malgaches s’échoue sur une île déserte en plein milieu de l’océan Indien. Marins et esclaves unissent alors leurs forces pour construire une nouvelle embarcation. Mais une fois celle-ci terminée, il n’y a que l’équipage blanc qui peut y embarquer, laissant sur place les esclaves. Les rescapés survivront ainsi quinze ans avant que le chevalier de Tromelin – qui donnera son nom à l’île, ne les retrouve et les ramène. Sur une soixantaine d’individus, il ne restera que sept femmes et un enfant de huit mois, né sur l’île.
C’est sur ce fait historique que l’archéologue naval Max Guérout entreprend des recherches depuis plusieurs années. Lors de l’une des expéditions qu’il a menées sous le patronage de l’UNESCO pour retrouver des traces de vie des naufragés et reconstituer ainsi leur histoire, Guérout a convié Savoia à intégrer son équipe, afin de documenter et de réhabiliter l’épopée de ses hommes et de ses femmes laissés pour compte. De son expérience, le dessinateur a tiré cette bande dessinée, laquelle tend autant à rendre hommage aux esclaves de Tromelin qu’aux chercheurs qui tentent de mettre en lumière ce fait méconnu.
Sur le plan de la structure, Savoia a choisi d’alterner l’histoire des naufragés et le récit de son expérience personnelle sur l’île, en compagnie des archéologues. Pour cela, il a également marqué une césure stylistique radicale afin de clairement définir les deux lignes narratives. C’est ainsi que le lecteur à l’impression de lire un récit achevé – celui des esclaves – entrecoupés de l’expédition archéologique, vue par Savoia, et dont le trait s’apparenterait plutôt à de l’esquisse colorisée.
Si cet effet est très travaillé et que le dessin de Savoia est tout aussi intéressant et « fini » dans les deux versants du livre, il se dégage de cette alternance un effet de répétition quasiment inévitable, qui en vient à alourdir quelque peu la portée du récit et de son message. On ne peut néanmoins que se montrer respectueux envers la démarche des archéologues et de Savoia de vouloir perpétuer le devoir de mémoire sur cet événement. Ainsi, la lecture de l’ouvrage prend inévitablement des airs de séance de recueillement, qui rendent l’entreprise presque intouchable. À ce titre, Les esclaves oubliés de Tromelin aurait probablement sa place dans les écoles, au moment d’étudier l’esclavage en Europe. Mais dans cette perspective-là également, on peut déplorer un certain systématisme et une trop grande austérité face à un sujet, il est vrai, très délicat.