Titre : Les enfants Oppermann
Auteur : Lion Feuchtwanger
Edition : Métailié
Date de parution : 21 février 2025
Genre du livre : Roman historique
Lion Feuchtwanger est un écrivain allemand du XXe siècle ayant à son actif plusieurs romans historiques dont Le Juif Süss et Exil. Issu de la bourgeoisie juive, il s’exilera en France en 1933, après la mise à sac de sa maison de Berlin et la perte tant de sa nationalité allemande que de son titre de docteur en philosophie. Avec Les enfants Oppermann, il écrit un roman en temps réel et tente une mise en garde contre la montée du fascisme.
Une famille comme les autres
Les frères Oppermann sont trois : Martin, Edgar et Gustav. Trois carrières et trois styles de vie différents.
Le premier dirige l’entreprise familiale de meubles, le deuxième sauve des vies grâce à sa pratique de la médecine et le troisième ne manque pas d’encourager la culture. Ils sont de bons allemands, fidèles à leur patrie. Après tout, leur ancêtre, Immanuel Oppermann, fut remercié pour les services rendus durant la première guerre mondiale. Mais les frères Oppermann sont également issus d’une famille bourgeoise juive, et s’ils sont tout d’abord persuadés que ça ne peut pas être aussi grave que ça en a l’air, ils devront bien vite ouvrir les yeux sur la terrible réalité : leur pays sombre dans la violence et l’injustice.
Ils sont on ne peut plus différents, mais ils vont devoir vivre une chose en commun : la montée du fascisme et de l’antisémitisme dans leur pays, l’Allemagne.
Peu à peu, au travers de leurs expériences personnelles et de celles de leurs enfants, amis et connaissances, ils devront faire face au vent de terreur qui souffle sur le pays. Chacun se débattra comme il le peut pour sauver sa peau, sa famille et ses biens, avec plus ou moins de succès.
Une leçon d’écriture, un plaisir de lecture
S’il ne s’agit pas ici du livre le plus populaire de Lion Feuchtwanger, c’est pourtant un écrit parfaitement maîtrisé du début à la fin. L’écriture de l’auteur est exceptionnellement addictive, dans un récit qui traite avant tout de petites choses du quotidien. Le lecteur n’aura de cesse de tourner les pages des enfants Oppermann avec la volonté farouche de connaître la suite de ces vies.
L’auteur livre un écrit plein de justesse, pertinent et percutant, exploit d’autant plus remarquable quand on sait qu’il l’a écrit en temps réel et dès lors sans recul sur sa propre époque. C’est avec la volonté d’informer la population qu’il y fait le récit de la lente et insidieuse montée du fascisme, de sa sournoise installation dans la société allemande et de sa mortelle nidification dans l’Allemagne des années 30.
Lion Feuchtwanger offre au lecteur une expérience de lecture dont il ne ressortira pas indemne. Bien sûr il y a la violence, la ségrégation, les mensonges et l’injustice, mais il y a également sous la plume de l’auteur une chose qui montera le long de l’échine du lecteur : la peur. Cette peur qui fait se taire, qui fait détourner les yeux. La peur de perdre sa famille, ses biens, sa vie. Comme on sent l’air disparaitre et les murs se refermer sur soi, les enfants Oppermann verront leur monde rétrécir et devront s’adapter, s’ils le peuvent.
La lecture de ce livre est tout simplement bouleversante et laissera le cerveau du lecteur fumant de cet éclairage sur la nature humaine. Par les yeux des enfants Oppermann et de leurs proches, on observe l’humanité côtoyer la barbarie, la solidarité se débattre avec l’individualisme et la vie s’opposer à la mort.
Un roman historique tristement d’actualité, à mettre entre toutes les mains.