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    Les Chroniques du charbon : moi, mon rêve, c’est une montagne de thunes. Sans rien faire.

    Une femme, costumée en policière, essaie d’attraper un homme à cagoule, à l’intérieur du théâtre, alors qu’on arrive tranquillement et qu’on cherche quoi boire pendant le spectacle. « Un jour, je l’attraperai » répète-t-elle. On va s’asseoir en salle. D’autres acteurs sont sur scène, déjà en train de jouer, de manière un peu clownesque, mais en interagissant encore un peu avec le public. Ils sont jeunes, physiquement présents. Le ton est donné. Leurs chroniques peuvent commencer. 

    Trois gars sont assis dans un canapé : Mizoo, le mec tranquille toujours souriant et sympathique dans la vie, Le Roux, le nerveux « complément déglingué dans sa tête » et son opposé Beno, le physique impassible, le caïd qui se la joue fort et peu impressionné (ou impressionnable). Ces trois-là seront quasiment sur scène durant toute la pièce, assis sur le canapé, parce qu’ils doivent trouver une solution : un sac du frère de Mizoo, Mourade, a été « perdu », ils ont un peu « loosé » sur le coup vu qu’ils étaient supposé le récupérer, et ce sac contenait de l’argent. Mourade sort de prison dans 5 jours. Il veut son sac. Il veut son argent. 

    Les Chroniques du charbon, comme son nom l’indique plus ou moins, témoigne d’un fait rare dans la vie de ces trois hommes. Ils vont devoir travailler. Le public va les voir tenter plusieurs activités, pas toutes légales, toujours du canapé, pour doucement accumuler assez d’argent à rendre à Mourade. Si les trois compères restent au centre de la scène, ils seront rejoints par un comédien et une comédienne, la policière et l’homme encagoulé du début, qui démultiplieront les rôles d’acheteurs/receleurs/concurrentes/etc. 

    Si l’ambiance à l’arrivée laisse envisager un spectacle débordant d’énergie peu contrôlée, le résultat final est agréablement surprenant. D’abord, si les blagues ne prennent toutes pas et qu’il y a de très légers flottements sur scène quand on sent qu’une réplique écrite pour être drôle tombe un peu à l’eau, le public se marre régulièrement. Ce qui fonctionne, c’est le jeu, parfois opposé, notamment entre Igor PRG (Le Roux), qui reprend le rôle de la série télévisée du même diffusée sur la RTBF, et Blaise Afonso (Beno). L’un est un électron libre dont les atomes corporels semblent se mouvoir sous substance, très conscient de sa puissance comique, l’autre une masse calculée de tension sur scène, provoquant une autre forme d’humour. Les quatre comédiens et la comédienne se renvoient des punchlines, parfois très bien trouvées, dans un rythme soutenu. En allant faire un tour sur Auvio après le spectacle, la série m’étant inconnue il y a encore deux jours, on se rend compte que certains dialogues sont les mêmes que ceux qui apparaissent dans la mini-série. Cela reste néanmoins un vrai travail de savoir les dire sur une scène. 

    Les Chroniques du charbon est une pièce qui réussit donc son but affiché, faire rire. Elle rit de ces personnages, et avec eux, eux qui adorent glander et sont obligés de « charbonner », et de ces autres qui ont besoin d’eux pour avoir leur dose quotidienne. Mention spéciale à Baba Nezar pour son interprétation d’un addict en manque, qui semble malheureusement tout droit sorti du centre-ville de Liège. Aline Lynn a un rôle difficile de devoir tenir plusieurs personnages complètement différents, mais insuffle une bonne dose d’énergie à chaque passage. Ce qui est agréable, dans cette pièce, au final, c’est l’absence de cynisme, de moqueries, et la fraîcheur du jeu, la camaraderie : ils sont contents d’être là, jouent leurs personnages à fond, sans accroche, dans ces chroniques qui tiennent globalement la route, évitant la succession de sketchs sans queue ni tête, même si la confrontation avec le gang des femmes aurait pu être mieux construit et que le deus ex machina final est rapidement expédié. 

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