Les Bonnes Manières
de Juliana Rojas et Marco Dutra
Fantastique, drame
Avec Isabél Zuaa, Marjorie Estiano, Miguel Lobo, Cida Moreira, Andrea Marquee
Sorti le 11 juillet 2018
Sept ans après leur premier film (Travailler fatigue) et après avoir réalisé des projets personnels chacun de leur côté, les brésiliens Juliana Rojas et Marco Dutra proposent un second film en tandem, qui se situe à sa manière dans la lignée du premier, tout en ouvrant leur cinéma commun à plus d’ampleur et à une dimension presque opératique. Il continue également à piocher à la fois dans le genre et dans l’exploration allégorique des inégalités de la société brésilienne.
Les Bonnes Manières est construit en deux parties distinctes, séparées par un événement fondateur, lequel fait basculer définitivement le film dans un univers fantastique, de genre, déjà largement mais progressivement anticipé par la première partie. Lors de cette première partie, Clara, une infirmière issue d’un milieu plutôt défavorisé, est engagée par la jeune et riche Ana, pour s’occuper d’elle puis de l’enfant qu’elle va mettre au monde, dans un appartement cossu de São Paulo. Tandis qu’une relation amicale puis amoureuse se lie entre les deux jeunes femmes, Clara découvre qu’Ana est en proie à des crises de somnambulismes qui la font se comporter de manière très inquiétante, et auxquelles le bébé qu’elle attend n’est peut-être pas étranger.
Il est difficile d’aller plus loin dans le résumé du film ou de révéler la teneur de sa seconde partie sans risquer de gâcher le plaisir de spectateur inouï que peut procurer le film de Rojas et Dutra. On peut pour le moins évoquer une figure monstrueuse et mythologique qui occupe une place de choix dans le déroulé de l’intrigue du film et dans son inscription définitive dans le domaine du film de genre.
Mais si Les Bonnes Manières apparaît comme un film riche et majeur, c’est aussi et surtout par sa première partie, probablement la meilleure des deux, qui convoque des références pouvant être écrasantes – on pense parfois à David Lynch et à Mulholland Drive – mais les intègre dans un récit pouvant être également émouvant au premier degré, sans intellectualisation ni renvoi déferrent à une cinéphilie fantasmée où à des archétypes du film de genre.
Parmi les énormes qualités de ce grand film ne payant pas de mine, on peut notamment évoquer l’utilisation de la musique, donnant lieu à quelques-unes des plus belles scènes, dans lesquelles, justement, l’émotion existe indépendamment – mais pas au détriment – de la vision globale que propose le film, et de son apport réflexif au genre et au cinéma en règle générale.