De Florent Barat, par le Collectif WOW ! Avec Deborah Rouach, Émilie Praneuf, Juliette Van Peteghem, Amélie Lemonnier, Lucile Charnier, Sylvie Nawasadio, Alex Jacob, Michele de Luca, Michel Bystranowski, Sébastien Schmitz, Florent Barat et avec les voix de José Soteras, Aurélie Volon, Thomas Ardui, Raphaël Bonneels et Jonathan Vanchieri. Jusqu’au 18 février au Théâtre Varia.
Des micros, des amplis, des synthés, un piano, la scène a tout d’un studio d’enregistrement, jusqu’au tapis en fourrure pour étouffer le bruit des pas. Le casque audio que les spectateurs reçoivent à l’entrée renforce encore cette impression.
Willy se présente, enfin William, ou Wheeling comme l’appellent ses amis parce qu’il est un peu spécial. Certains disent extraordinaire, les autres disent handicapé, ou handic. Et son frère l’appelle Oui-Oui, « parce qu’il est juste un peu con ».
Victime d’un accident à la naissance, Willy est presque totalement paralysé et ne peut pas parler. Il s’exprime par borborygme (que les interprètes ont l’élégance de ne pas reproduire eux-mêmes sur scène). Après neuf mois à l’hôpital, le médecin a expliqué aux parents : il vivra six semaines si on le garde à l’hôpital, deux semaines si on arrête les soins et qu’il rentre à la maison. Le père préfère qu’il meure à l’hôpital, la mère veut l’emmener à la maison. C’est elle qui gagne.
Quatorze ans plus tard, Willy est toujours là, passant entre-temps de la case de miraculé à celle d’IMC, infirmité motrice cérébrale. Incapable de se projeter dans cet enfant handicapé – « on n’a jamais les enfants qu’on imagine » -, le père part. La mère reste aux côtés de Willy, jour et nuit, et elle pleure et prie. Elle se remariera avec Rémy et mettra au monde Augustin.
Après six ans d’attente, Willy obtient une place dans une « école d’handic », en internat, retrouvant sa maison un weekend sur deux. Dans sa classe, ils sont cinq, une belle brochette de déglingos, tous plus amochés les uns que les autres, mais unis comme les cinq doigts de la main. D’ailleurs lorsque Wheeling rentre de chez lui avec les traces de la baffe que lui a administrée son beau-père, ils se reconnaissent dans l’injustice et le suivent dans une action révolutionnaire où ils vont prendre leur place et se montrer.
L’auteur, Florent Barat, a travaillé durant quatorze années comme éducateur spécialisé auprès de personnes handicapées, dont quatre au sein des familles. Il sait le combat quotidien de ces personnes pour être reconnues, respectées ou, au moins, vues. C’est pour donner une voix à ces enfants tragiques que l’on entend pas qu’il a écrit Beaux Jeunes Monstres. A ces invisibles mais aussi à tous ceux que le monde refusent de voir, les opprimés, les laissés pour compte.
Créé sous forme de fiction radiophonique, la pièce est transposée à la scène dans une forme hybride qui s’enrichit des outils du spectacle vivant. Ici, pas le droit à l’erreur, il n’y a pas de montage, tout se déroule en direct live. Son côté immersif – le casque audio nous permet d’entendre, de façon intime, le récit de Willy pourtant incapable de parler – et la qualité des prestations (dialogues, musique, chant polyphonique, ambiance, bruitage) des onze interprètes portent un texte, teinté d’ironie et d’auto-dérision, qui fait mouche. « Rien ne sera plus jamais comme avant, vous nous verrez ».