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    Les Ardennais n’oublieront jamais !

    auteur : Philippe Carrozza
    éditions : Weyrich
    sortie : octobre 2014
    genre : Historique, guerre, témoigages 

    Dans le premier tome de son diptyque, l’auteur de 1940-1945 Ils m’ont volé mes plus belles années, Philippe Carrozza, interviewe 19 Ardennais ayant vécu la Seconde guerre mondiale. Malgré un titre digne de Paris Match, le résultat est un livre rempli de points de vue authentiques et originaux, à ne recommander toutefois qu’aux passionnés d’un sujet déjà très documenté.

    Témoigner, c’est donner chair à l’Histoire. Pas seulement celle de la Deuxième guerre mondiale, mais aussi celle d’une époque révolue malgré la proximité chronologique. Ces Ardennais et Ardennaises évoquent le monde rural dans lequel ils ont grandi : la participation aux travaux de la ferme ou de l’usine, l’emploi encore répandu du wallon, la relation réservée entre proches, l’éducation religieuse et patriotique, et même les cataplasmes au saindoux. Ils parlent des distractions d’alors, du succès des Trenet et des Rossi, de la crise économique et des deuils d’Albert Ier et de la reine Astrid. Et ils racontent la rumeur grandissante d’une guerre alors que le traumatisme de 14-18 est encore dans toutes les mémoires.

    Après la « drôle de guerre » de 1939, c’est le point de non-retour : le 10 mai 1940, les Allemands envahissent la Belgique. Ou plutôt, ils la traversent pour contourner la ligne Maginot, une défense que l’on pensait inviolable. La campagne des 18 jours est menée par une armée belge motivée mais sous-équipée (« Et je ne vous parle même pas de nos avions. Je les avais vus à l’action à la mobilisation. C’était juste des brouettes avec des ailes » p.197) tandis que les familles belges fuient vers la France. Finalement, Léopold III capitule. Commence alors la vie sous l’occupant, sans nouvelles des disparus, avec les prix exorbitants du marché noir et la nervosité croissante de la Gestapo. Nombreux de ces Ardennais interrogés entrent dans le maquis ; certains connaîtront l’emprisonnement dans des camps de travail ou d’extermination. En 1944 arrivent enfin les Américains, équipés de drôles de véhicules, des « jeeps », et de chaussures silencieuses, avec des semelles en caoutchouc. Mais la population retient son souffle quand les Allemands lancent l’offensive von Rundstedt, le dernier soubresaut d’une armée allemande en déliquescence. Enfin, la libération, une période mêlée de joie et de douleur après tant d’atrocités.

    Tous racontent ces mêmes événements depuis des perspectives différentes. Les profils des témoins interviewés par Carrozza sont variés et pertinents. Parmi eux : un Malmédien et un Luxembourgeois enrôlés de force dans l’armée allemande; une Liégeoise, agente de la Sûreté de l’État à Londres ; un garde-frontière à Malmédy en 39-40 ; une Beaurinoise résistante armée; un membre du 5ème régiment des fiers Chasseurs Ardennais ; un Durbuysien aux mains des Russes, etc. Et aussi, les témoignages très durs d’un Biévrois interné à Buchenwald et d’un Verviétois envoyé à Dachau.

    En plus de nombreuses photos des interviewés et celles de l’US Army, le livre présente toutes sortes d’anecdotes, liées à la guerre ou non, allant du drame au cocasse. Il en est certaines dignes de La Grande Vadrouille. Comme lorsqu’un chapeau melon britannique s’enquiert, en français, de savoir si les réfugiés belges sont contents d’être à Londres. Un certain Joseph qui ne parle quasiment que le wallon liégeois lui répond : « Non monsieur, retour baraque manger saucisson » (p.73). Les témoins s’expriment également sur deux sujets sensibles : l’amnistie, difficile pour beaucoup, et la séparation de la Belgique, une éventualité douloureuse pour la plupart de ces gens qui se sont battus pour leur pays.

    Malgré l’indéniable qualité des témoignages, le livre de Carrozza est à réserver aux vrais passionnés. Pour diversifiés que soient ces 19 récits, ils n’en constituent pas moins une longue variation autour d’événements déjà maintes fois abordés. De plus, si l’aspect amateur de la typographie s’oublie rapidement, certains éléments gêne la lecture : le chamboulement chronologique dus à certains encadrés ou encore l’utilisation d’abréviations sans glossaire. Si vous êtes cependant de la catégorie des férus, le tome 2 vient de sortir, également aux éditions Weyrich.

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