Adaptation Patrick Barlow. Du roman de John Buchan. À partir du film de Alfred Hitchcock. Mise en scène Thibaut Nève. Avec Julie Lenain, Thibault Packeu, Stéphane Pirard, Elsa Tarlton. Du 26 octobre au 25 novembre 2023 au TTO (Théâtre de la Toison d’Or).
Course-poursuite et pataquès, Les 39 marches joue avec les codes du film d’espionnage et s’en amuse avec brio. Cette réadaptation de l’œuvre portée à l’écran par Alfred Hitchcock va vous surprendre. A la clef, des agents secrets hilarants et un comique de situation rocambolesque.
Tout commence dans un petit appartement de Londres, Richard Hannay s’ennuie dans une existence trop prévisible. Un soir, alors qu’il est à l’opéra, une intrigante jeune espionne prend contact avec lui et lui parle d’un secret qui pourrait changer la face du monde. A peine eut-elle le temps de confier l’objet de sa recherche, de mystérieuses « 39 marches », qu’on la découvere assassinée dans l’appartement de ce dernier. Craignant pour sa vie, Richard part en direction de l’Ecosse avec la police aux trousses qui est persuadée de poursuivre le meurtrier de la belle inconnue.
Hitchcock au pays d’OSS 117
Roman de John Buchan, l’œuvre Les 39 marches est surtout connu pour avoir été adapté sur grand écran par Alfred Hitchcock. Au TTO, le metteur en scène Thibaut Neve, prendra pour sa part un contre-pied parodique assumé de l’œuvre originale. Et même si l’on s’amuse très rapidement des clins d’œil adressés au maitre de l’angoisse, on ressent aussi l’hommage rendu à l’œuvre de l’illustre réalisateur. La musique ou encore une scène interprétée comme un plan séquence nous rappelle les moments familiers passés à frissonner sur Psychose ou La Mort aux trousses.
Le comique de situation fait clairement la part belle à l’absurde et à l’humour anglais, toujours décalé, légèrement candide et pourtant si ancré dans le second degré. On y ressent aussi parfois quelques références à l’univers de la BD, notamment pour le duo policier qui pourrait passer pour de lointains cousins des Dupont et Dupont. Nous sommes surtout frappés par l’exigence et la précision du tempo et du minutage des changements successifs des éléments de décor. On assiste à un ballet bluffant, à la limite de la prouesse sportive, tant l’effort physique sur scène se devine. D’ailleurs, on y entend parfois dans le public des acclamations d’étonnement et de ravissement, car il est vrai que l’on admire sincèrement la technicité de ce qui se passe sur scène. Une mise en scène impressionnante qui, on le devine, a dû être parfois un véritable casse-tête chinois. Chapeau bas au maitre d’œuvre.
Des personnages, comme s’il en pleuvait
Sur scène, deux comédiennes, Julie Lenain et Elsa Tarlton ainsi que deux comédiens, Thibault Packeu et Stéphane Pirard. Ces quatre-là vont interpréter plus d’une trentaine de personnages différents, changeant à chaque fois de costumes et d’éléments de décor. On ne va pas vous mentir, l’énergie engagée est impressionnante. Ils réussissent même l’exploit de mettre cet effort au service de leur jeu respectif. On rit d’untel presque projeté sur scène ou d’un élément du décor oublié et précipitamment remplacé tant bien que mal. On sait l’interprétation des comédiens précise et millimétrée, ce qui accroit l’admiration à leur égard. On ressent leur grande qualité de jeu derrière la maitrise du rythme des dialogues et la caricature maitrisée de certains personnages types comme le policier idiot, le fermier caractériel ou encore l’épouse séductrice.
Cette maitrise du comique de situation est telle qu’elle déclenche le rire à chaque fois. Un désordre organisé qui possède tous les codes les plus ardues à maitriser dans la comédie : le rythme, la précision et le plaisir. Pour nous, c’est un grand oui ! Les 39 marches est une belle claque de talents comiques, une surprise qui ravit à coup sûr. Elle nous régale d’une performance peu commune et maitrisée de main de maître. Elle nous offre également une parenthèse précieuse de rire et de légèreté en ces temps moroses. Profitez-en, le TTO nous a confirmé qu’elle ne s’autodétruira pas avant le 25 novembre. Confidence pour confidence, on souhaite même qu’elle soit gardée précieusement sous clef pour l’année prochaine.