scénario : Zidrou
dessin : Oriol
éditions : Dargaud
sortie : janvier 2015
genre : Fantastique, conte
Après une première collaboration en 2012 avec La peau de l’ours, Zidrou – scénariste entre autres de séries à succès comme L’élève Ducobu ou Tamara – poursuit son travail avec le dessinateur espagnol Oriol et revisite cette fois-ci l’univers des contes, avec ce très sombre 3 fruits.
Le conte en question est celui d’un roi vieillissant, terrifié à l’idée de sa mort prochaine et bien décidé à la défier, de quelque manière que ce soit. Poussé dans ses derniers retranchements après avoir convoqué nombre de savants tous impuissants face à l’ampleur de la demande, il finit par conclure un pacte dangereux avec un démon machiavélique. Sommé par celui-ci de manger la chair du plus brave de ses trois fils afin d’accéder à l’immortalité, il les envoie relever chacun une mission presque impossible.
On le devine assez vite, la suite ne fera que s’enfoncer dans la noirceur et dans l’horreur. Zidrou remonte en effet à la tradition des contes dans tout ce qu’ils peuvent avoir de plus cruel, rappelant ainsi qu’avant de passer par plusieurs étapes d’aseptisation – qu’il s’agisse des adaptations disneyennes ou tout simplement des nombreuses relectures –, la plupart avaient une fin effroyable, souvent accompagnée d’une morale implacable.
Le scénario pervers et précis des 3 fruits s’achemine lui aussi vers une moralité finale, qui n’est d’ailleurs pas forcément celle à laquelle on s’attend. Après avoir montré la barbarie et la bêtise des hommes, le récit se fait bizarrement féministe. S’il permet au conte de se terminer de manière inattendue, ce versant tardif du récit peut aussi apparaître comme simpliste voire naïf. Mais la fluidité de la narration compense largement cette petite faiblesse.
Au bout du compte (conte), ce qui déstabilise le plus dans l’album, c’est incontestablement son dessin, aussi sombre que le scénario qu’il met en images. Le trait d’Oriol, plutôt impressionniste, joue énormément sur les teintes obscures et les ombres, renforçant l’atmosphère oppressante que distille le récit. Dans cette obscurité constante, les éclaircies n’en sont que plus fortes, à l’instar de la splendide illustration de couverture, également présente en pleine page dans le déroulé de l’action.
Si le calquage fidèle de l’esthétique sur l’histoire et les thématiques est fait dans un esprit de cohérence qui plaira sans doute à la majorité des lecteurs, on peut malgré tout déplorer une certaine absence de folie et de fantaisie. Dans cet album très austère, dessin et texte servent une idée commune de la BD dite « sérieuse » ou « adulte », sans jamais sortir des sentiers battus.