De Francis Veber, mise en scène de Daniel Hanssens. Avec Pierre Pigeolet, Daniel Hanssens, Victor Scheffer, Pierre Poucet, Laurence D’Amelio et Michel Hinderyckx. Du 4 au 31 décembre 2018 au Centre Culturel d’Auderghem puis au Centre Culturel d’Uccle.
Ralph Milan est un tueur à gages ayant pour mission de liquider un homme depuis sa fenêtre, située dans un hôtel de province avec vue sur le palais de justice. Dans la chambre mitoyenne, François Pignon, homme délaissé par son épouse pour un homme à la condition sociale plus élevée, est bien déterminé à mettre fin à ses jours. Alors qu’il tente de se pendre à la tuyauterie de la salle de bain à l’aide d’une embrasse, celle-ci rompt dans un brouhaha assourdissant. Il n’en faut pas plus pour alerter le garçon d’étage qui s’empresse d’appeler les secours. Tout cela n’est évidemment pas du goût du locataire de la chambre voisine qui, pour ne pas attirer l’attention des autorités sur l’immeuble, propose de s’occuper du pauvre homme. Mais voilà, François Pignon, homme envahissant et peu discret, ne va pas lui faciliter la tâche.
À sa création en 1969 sous la plume de Francis Veber (Le Dîner de cons, Le Placard), Le Contrat est un succès immédiat. Mettant en avant un duo d’acteurs très en vue à l’époque, l’acteur belge Raymond Gérôme et le français Jean Le Poulain, sous la direction de l’inénarrable Pierre Mondy, la pièce fait parler d’elle au-delà des travées dorées et rougeoyantes du Théâtre du Gymnase Marie-Bell à Paris. Cette histoire très drôle, d’Auguste et de Clown Blanc, avait frappé dans l’oeil d’Édouard Molinaro qui l’adapta au cinéma quatre ans plus tard avec le titre de L’Emmerdeur et dans les rôles-titres Lino Ventura et Jacques Brel. La réussite fut telle que le titre du film supplanta à jamais celui de la pièce originale, annihilant même le succès de toute future reprise cinématographique, comme celle de 2008 avec Patrick Timsit et Richard Berry – et Francis Veber derrière la caméra – ou encore le remake américain Buddy Buddy avec les stars Jack Lemmon et Walter Matthau en 1981, qui se prendra un four au box office.
Mais sur les planches, L’Emmerdeur est resté un succès, une pièce garante de rires et de joies, à la fois facile d’approche et diablement efficace car bien écrite. Cela, l’homme fort de la Comédie de Bruxelles l’a bien compris. À la fois metteur en scène de talent et esthète du vaudeville, Daniel Hanssens reprend l’un des best-sellers de sa compagnie, celui qui a conquis le public il y a onze années de cela. Si Pascal Racan a cédé le costume de Monsieur Milan à Pierre Pigeolet, c’est bien Daniel Hanssens qui réenfile celui de François Pignon, pour notre plus grand plaisir.
Patronnés par l’écriture léchée de Francis Veber, les deux complices livrent ensemble une prestation très convaincante, car moins évidente qu’elle n’y paraît. De fait, les situations rocambolesques qui s’y succèdent à un rythme effréné amènent les acteurs à devoir s’extraire de leur enveloppe dramatique (l’un est un tueur, l’autre un dépressif) pour accentuer la farce de l’instant, par des mimiques ou des grands gestes. Il paraît alors indispensable à la bonne tenue de la pièce que Milan et Pignon se substituent à leurs interprètes respectifs, pour éviter l’écueil du cabotinage déjà vu dans d’autres adaptations de cette pièce, avec des acteurs pourtant connus et expérimentés.
Daniel Hanssens, avec son sens de la mise en scène et son expérience, se fait alors oublier pour laisser vivre son personnage, tout comme Pierre Pigeolet dont la prestation est remarquable si ce n’est dans certaines scènes où nous aurions aimé voir son personnage emprunt de plus de colère ou d’autorité envers un François Pignon, trop vite sorti gagnant de la confrontation.
En résumé, l’humour de Francis Veber n’a pas pris une ride, tout comme son duo clownesque. Rehaussée par les prestations brillantes de ses six comédiens, L’Emmerdeur demeure l’une des pièces à ne pas rater en cette fin d’année.