L’Économie du couple
de Joachim Lafosse
Comédie dramatique
Avec Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Margaux Soentjens, Jade Soentjens, Marthe Keller
Sorti le 8 juin 2016
Quelques mois seulement après la sortie des Chevaliers blancs, son précédent film, Joachim Lafosse est déjà de retour avec L’Économie du couple, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et présenté partout comme une comédie dramatique. À la vision de ce film, on se dit que cette dénomination est quelque peu usurpée, tant le côté « comédie » est pratiquement invisible, de même que l’on constate le retour de Lafosse au cœur de son cinéma domestique, puisque L’Économie du couple se place dans la lignée de Nue propriété et surtout d’À perdre le raison.
Séparés depuis quelques temps, Marie et Boris continuent de vivre sous le même toit avec leurs deux filles. La maison appartient à Marie mais Boris entend récupérer la moitié de sa valeur, estimant que son apport en termes de travaux lui donne ce droit. Marie campe sur ses positions et ne consent à lui céder qu’un tiers. La situation est bloquée et l’enfer domestique s’accroît de jour en jour, sous le regard impuissant des jumelles et de la mère de Marie, qui ne manque pas de venir mettre son grain de sel dans ce contexte intenable.
Alors qu’il avait élargi son cinéma à des problématiques plus vastes et surtout qu’il avait trouvé un bon équilibre entre la proximité physique des personnages filmés et la distanciation morale, Joachim Lafosse semble, d’entrée, retomber en plein dans les spécificités de films oppressants et refermés sur eux-mêmes. Prenant un malin plaisir à regarder de l’intérieur des personnages se faire mutuellement du mal et une cellule familiale viciée s’autodétruire jusqu’à l’implosion, le réalisateur retrouve également ses tics d’auteur érigés en système, comme cette manie d’utiliser une chanson populaire in extenso pour espérer extraire quelques larmes à son spectateur et le manipuler éhontément.
Si dans À perdre la raison, l’on pouvait voir Émilie Dequenne chanter – en larmes – Femmes, je vous aime de Julien Clair, on peut ici voir toute la petite famille danser sur Bella de Maître Gims, et Bérénice Bejo – en larmes – retomber dans les bras de son compagnon, par le simple pouvoir de la musique. Ce « moment de respiration » est d’autant plus hypocrite que le reste du film ne fait qu’enfiler les scènes d’engueulades hystériques et de psychodrames tirés sur la longueur – dont un dîner entre amis particulièrement malsain et sursignifiant.
S’il ne parvient jamais à dépasser le cadre du cinéma d’entomologiste pervers, L’Économie du couple fait en outre beaucoup trop penser à des films antérieurs. La présence de Bérénice Bejo dans le registre de la performance hystérique au sein d’un drame familial renvoie invariablement au Passé d’Asghar Farhadi. Mais surtout, le film apparaît clairement comme une redite de Lafosse sur son propre À perdre la raison, dans un registre moins tragique et moins jusqu’au-boutiste. Plus que jamais, le serpent se mord la queue au sein d’une production en cercle fermé, peu ouverte sur l’extérieur.