De Paul Claudel, avec Aurélie Vauthrin-Ledent, Isabelle Renzetti, Jean-Marc Amé, Philippe Rasse.
Du 13 janvier au 20 février 2016 au théâtre Le Public
Monter L’échange de Claudel est un pari audacieux que Peggy Thomas relève honorablement. Le texte est long et bavard, aride, mais renferme de belles fulgurances poétiques. La langue est terriblement moderne. Moderne dans son rythme, dans son souffle, dans sa façon de couler et d‘échapper aux personnages pour rejoindre le fleuve des tourments humains. Mais moderne également dans sa façon d’embarquer le spectateur dans un huis clos épique où les personnages s’affrontent jusqu’à l’anéantissement.
Peggy Thomas signe ici une mise en scène dépouillée, sans décor, afin de servir au mieux le texte de Claudel. Pas d’illusion, pas d’artifice, le texte est nu. Souvent boudé par le public, réputé ennuyeux, elle parvient à en retranscrire la finesse et à en tirer un drame captivant.
Au commencement les quatre acteurs viennent s’assoir aux quatre coins du plateau comme quatre points cardinaux, quatre directions de l’âme humaine. Chacun va entamer sa partition, venir jouer sa petite musique. Il y a Marthe, l’épouse fidèle, le roc, qui évoque avec mélancolie son pays natal (la France). Mariée à l’Américain Louis Laine elle incarne l’ancrage dans la Terre, la tradition, la fidélité et l’engagement. Son époux Louis est indécis, immature. Il ne sait ce qu’il veut vraiment, il suit son désir comme un enfant. Tenté par la belle Lechy Elbernon il va s’offrir avec candeur à l’adultère. Lechy, elle, s’amuse et assume son plaisir. Elle va jusqu’à se moquer de la simplicité de la gentille Marthe. Thomas Pollock, l’époux de Lechy, homme pragmatique qui connaît la valeur de toute chose, et reconnaît dans la douce Marthe une affaire à ne pas laisse filer, incarne le bon sens matériel, l’homme d’affaire qui a réussi, le roi des transactions, c’est lui qui va proposer l’échange. Le quatuor joue jusqu’à l’épuisement toutes les nuances du sentiment amoureux.
On retiendra la prestation remarquable d’Aurélie Vauthrin-Ledent qui interprète Marthe Laine. Sincère et toujours juste, son jeu fait mouche. Mais on ne peut que déplorer la direction donnée au personnage de Lechy (interprétée par Isabelle Renzetti). La femme libre, celle qui désire, est dépeinte ici comme une bécasse qui rit trop fort. On l’aurait préférée plus intériorisée, plus sensible.