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    Le Théâtre les Tanneurs souffle vingt-cinq bougies dans son nouvel écrin

    La saison 2024/2025 compte pas moins de dix créations, quatre pièces du répertoire des Tanneurs ainsi que six accueils provenant de Belgique, mais aussi de Grande-Bretagne, de France et de Palestine.

    Au début de l’année, le théâtre les Tanneurs a fait peau neuve en agrandissant le foyer qui s’ouvre maintenant sur la petite rue des tanneurs via deux baies vitrées. On y trouve un bar tout en longueur, la billetterie et le nouveau restaurant. De plus, le théâtre peut désormais compter sur une salle de spectacle supplémentaire située à l’arrière de la grande salle.

    C’est donc sur son 31 que le lieu entend célébrer son vingt-cinquième anniversaire mais aussi 50 ans d’aventures théâtrales. Le théâtre a, en effet, été créé en 1999, sous l’impulsion des pouvoirs publics et sous l’égide de Marie-Paule Godenne, qui en fut la première présidente. A cette époque, il prenait  le relais de l’Atelier Sainte-Anne créé par Philippe van Kessel en 1974 dans la rue du même nom mais qui prit ses quartiers rue des Tanneurs sous la houlette de Serge Rangoni.

    La saison démarre par une création signée par le Collectif Greta Koetz : « Le Mal du hérisson », inspiré librement d’un vieux conte sibérien. A la fin des années 30, une maison de campagne accueille des gens atteints d’une maladie étrange qui les transforme en hérissons, des inadaptés qui voudraient être touchés mais qui ont la peau qui pique. Le récit porté par sept comédiens et un musicien interroge notre difficile rapport aux autres et célèbre notre besoin d’amour et de reconnaissance.

    Autre création, dans « Aller Simple », Joseph Olivennes poursuit son travail, entamé en 2022 avec « Herakles », autour du récit auto-fictionnel et des histoires dont on hérite. Entre récit de voyage et conte mythologique, Ce seul-en-scène retrace le parcours d’un road-trip à Tanger dans un trajet aussi réel que fantasmé.

    Après « Des caravelles et des batailles », Éléna Doratiotto et Benoît Piret poursuivent avec « Par Grands Vents » l’exploration d’une écriture de théâtre aiguisée et singulière. Dans cette création, ils livrent une « fantaisie tragique » portée par des êtres dramatiques, fragiles et précaires qui s’apparentent à un chœur de théâtre. Profitant de la présence d’une source d’eau potable, ils entament une sorte de rituel dont la réalisation est semée d’embûches.

    Niché dans les Marolles, le théâtre les Tanneurs donne l’occasion à Hakim louk’man et Othmane Moumen d’explorer ce quartier emblématique à l’ombre oppressante du palais de justice. Dans « Marolles for ever », ces deux griots, conteurs dépositaires de la tradition orale, tentent de dévoiler un pan de l’histoire de ce lieu singulier, à la fois au centre et à la marge de la ville, animé par un esprit de contestation et de résistance à l’autorité.

    Toujours au rayon créations, le Collectif la Station présente « Fani, Filip et les Fantômes », épisode pilote d’une série théâtrale qui comptera cinq épisodes. Un atelier de « danse spontanée » prend forme dans une petite ville en pleine déroute économique et sociale. Les personnages se retrouvent dans cet îlot de liberté et se lancent à corps perdus dans des danses qui les exaltent, les empêchent de sombrer dans la désespérance, mieux, les animent d’espoir.

    Dans « Monstres », Catherine Mestoussis raconte l’histoire d’une petite fille de six ans qui s’impose face à un père tyrannique. Par le biais de l’autofiction, elle aborde des sujets qui lui tiennent à cœur : le pouvoir et la violence d’un père sur un·e enfant, la souffrance et solitude de ce père et de cet·te enfant, la tendresse, l’attention d’une mère.

    « Pieuvre 1+2 (suite et fin) » de Françoise Bloch/Zoo Théâtre relève plus de la conférence illustrée que du théâtre en tant que tel mais le propos est toujours pertinent. Françoise Bloch enquête sur la disparition d’un être cher, utilisant son histoire personnelle pour parler du rapport entre les morts et les vivants. « Pieuvre 1 (Traces) » et « Pieuvre 2 (Fantômes) » ont été présentés aux Tanneurs et/ou au Théâtre Océan Nord. Cette nouvelle présentation aux Tanneurs vient conclure ces deux premières parties.

    Comme à son habitude, le Théâtre les Tanneurs fait cette saison la part belle au théâtre (et à la danse) visuel. A ce titre, soulignons la recréation du spectacle emblématique de la Cie Mossoux-Bonté, « Les dernières hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien » (1990), joué plus de 150 fois en Europe, pendant 25 ans. Devenu « Les nouvelles hallucinations de Lucas Cranach l’Ancien », le spectacle propose une autre plongée dans l’atmosphère fascinante du peintre de la Renaissance allemande. Partant du portrait d’une petite princesse, quelque peu ambiguë, la pièce approfondit cet espace de trouble en confrontant une nouvelle génération d’interprètes au monde intime et décalé de Cranach.

    La Cie Still Life (Sophie Linsmaux et Aurelio Mergola), artistes associés au Théâtre Les Tanneurs, s’attache à révéler la précarité de l’existence et la fragilité de la condition humaine par un travail sans un mot ou presque (ce qui ne veut pas dire silencieux, que du contraire). « Timber » (le cri poussé par les bûcherons pour avertir qu’un arbre tombe) investit la forêt, un espace sauvage entre utopies et cauchemars, mais qui est dangereusement mis en péril à l’heure actuelle. Interrogeant notre connexion à la nature, la pièce réveille notre besoin d’être ensemble dans la foulée de « Flesh » qui explorait (en 2022 mais que le théâtre a la très bonne idée de programmer à nouveau cette saison) la nécessité de relation à l’autre.

    Natacha Belova et Tita Iacobelli ont déjà largement fait montre de leur maîtrise technique des marionnettes et de la puissance émotionnelle de leurs créations. « Une traversée » s’inspire de « La traversée du miroir » de Lewis Caroll pour explorer, au travers du personnage d’une petite fille prête à devenir adulte, les mystères et les mécanismes de la conscience face à l’absurdité de notre monde, déchiré par les guerres et en effondrement.

    Théâtre, danse et cirque sont au menu des accueils de la saison 2024-2025. « Le nouvel homme » du collectif flamand De Hoe met en présence un écrivain et une comédienne, deux amoureux qui se retrouvent dans un aéroport 20 ans après leur séparation. Ils évoquent des souvenirs, des regrets et le monde qui a changé, comme eux-mêmes ont changé faisant passer le propos du mal d’amour au malaise politique.

    En véritable « anthropologue du présent », Ariane Loze observe le monde dans lequel nous vivons et en rend compte par sa voix, ses gestes, son corps. Dans « Bonheur entrepreneur », elle joue tour à tour différents personnages dans les dialogues desquels émerge une réflexion sur le travail, ses contraintes et l’espace de liberté que chaque personne recherche à l’intérieur du cadre qu’elle crée ou subit.

    La compagnie britannique (originaire de Glasgow en Écosse) Cade & MacAskill reprend des éléments de l’histoire de Pinocchio pour parler des défis et des transformations vécus par le duo. Partenaires sur la scène comme dans la vie, Rosana Cade et Ivor MacAskill travaillent sur « The Making of Pinocchio » depuis 2018, parallèlement et en réponse à la transition de genre d’Ivor. Avec humour et intelligence, ils triturent le rapport à l’autre, au sexe, à l’identité et les pressions sociales et difficultés que rencontrent les gens qui n’entrent pas dans les cases.

    « And Here I Am » retrace le parcours d’Ahmed Tobasi, de son enfance au camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie à sa résistance d’abord armée puis en tant qu’artiste palestinien sur les plateaux de théâtre. Hassan Abdulrazzak, auteur d’origine irakienne, s’est saisi de cette histoire en mêlant le réel au fantastique, le comique au tragique pour restituer la complexité d’un voyage aux accents doux-amers.

    Dans « Cosmos », à la frontière entre cirque, danse et texte, Ashtar Muallem questionne ses propres croyances, de manière sensible, touchante et humoristique. La citadine trentenaire, Palestinienne née à Jérusalem, remonte le fil de ses souvenirs d’enfance pour conter son histoire, son rapport au pays, au corps, à la religion, à la spiritualité.

    Après avoir été séparé d’elle pendant plusieurs années, par des frontières toujours plus marquées, le danseur et chorégraphe Mohamed Toukabri convie sa mère, Latifa, à le rejoindre sur scène. Elle a toujours rêvé d’être danseuse – mais son rêve a dû rester muet pendant des années –, il en a fait son métier. « The Power (of) The Fragile » est une rencontre entre deux mondes, deux corps, deux esprits, dont les frontières s’estompent.

    Les reprises de la saison figurent au répertoire du lieu où elles ont connu un grand succès. Outre « Flesh » déjà cité, « L’amour c’est pour du beurre » d’Eline Schumacher est une comédie d’amour humaniste sur fond de jeux de mots, de quiproquos et d’accidents. Dans « Kevin » qui revient également mais au Centre Culturel d’Uccle, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron jettent un regard naïf mais documenté sur les fondements, les valeurs et les enjeux de l’école. Enfin, le devenu incontournable « Dimanche » des Cies Focus & Chaliwaté tiendra l’affiche pour la cinquième fois au Théâtre Les Tanneurs. Teinté d’humour et de poésie, ce véritable bijou scénique mêlant théâtre gestuel, théâtre d’objet, marionnette, jeu d’acteur et vidéo, dépeint le portrait d’une humanité, en total décalage avec son époque, saisie par le chaos des dérèglements climatiques.

    Site internet : https://lestanneurs.be/

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