Le Seigneur des Anneaux : La Guerre des Rohirrim
Réalisateur : Kenji Kamiyama
Genre : Aventure, Animation, Fantastique
Avec les voix de : Brian Cox, Gaia Wise, Miranda Otto
Nationalité : USA, Japon, Nouvelle-Zélande
Date de sortie : 11 décembre 2024
Souvent, c’est l’univers visuel d’un film qui va créer un imaginaire fort auprès du spectateur. Ainsi, plus que celle des personnages ou des intrigues, c’est la répétition d’une même esthétique qui va fidéliser le public en générant un engouement pour ce Monde aussi beau qu’original. Changer un élément de cet imaginaire visuel, c’est remettre en question tout l’univers. Mais, là où un petit détail peut être vu comme une variation ou une évolution (des sabres laser de formes ou de couleurs différentes), un écart majeur peut trahir l’identité originelle (l’arrivée des visiteurs dans un New-York des années 2000), égratignant plus ou moins le prestige de la saga. Poussée à son paroxysme, la révolution esthétique d’une œuvre est un pari qui au mieux divisera entre partisan de la nouveauté et puriste, mais qui surtout risque d’essuyer un rejet global de la communauté que l’univers avait soudée. On peut, par exemple, citer le peu d’engouement que suscitent les live-action Disney tirés des films d’animation pourtant adulés par plusieurs générations.
Aussi, déjà que l’arrivée en grande pompe du numérique entre la trilogie du Seigneur des anneaux et celle du Hobbit avait fait un bruit non négligeable, alors sa bascule en animation japonaise risque d’aviver certaines tensions au sein de sa communauté. L’intrigue se passe près de deux cents ans avant les évènements du Seigneur des anneaux, lorsque le Rohan subit une guerre civile et la légende du Roi Helm Hammerhand fut forgée à l’aide de sa fille Héra. Alors que le film adopterait sans problème l’esthétique des deux sagas lui ayant précédé, une révolution de l’univers graphique a été choisie.
Cependant, à la différence de la trilogie Spider-man mettant en scène Miles Morales, il n’y a pas de liens entre Le Seigneur des anneaux et le manga japonais, là où Spider-man était un comics avant d’être un film en prises de vue réelles. Dans les deux cas, les esthétiques sont poussées à fond, mais alors que celle de l’homme-araignée sonne comme un retour aux sources en reprenant un véritable langage bande dessinée américaine, celle de La Guerre des Rohirrim, change totalement le ton de l’œuvre. Car, ce renouveau s’accompagne des codes du genre. Outre les corps hypersexualisés des personnages, leurs capacités physiques démentielles dénotent par rapport à celles plutôt humaines observées dans les films de Peter Jackson. Ainsi, se pose la question de la cohérence. Comment un univers peut supporter une si grande diversité de lois naturelles ? Comment croire à ses hommes qui ouvrent seuls les portails des citadelles réputées imprenables, à ces femmes qui bondissent à plusieurs mètres de haut quand leurs descendances auront des aptitudes à peine supérieures à la moyenne ?
Autre changement notoire, les batailles. Le Seigneur des Anneaux est rempli de batailles, d’armées en fendant d’autres. Oui, ça coute cher. Oui, ça prend du temps. Mais jamais il n’est question, comme c’est le cas dans La Guerre des Rohirrim, de deux chefs, voire rois, se battant en un contre un, autour de régiments attendant l’issue du combat pour savoir qui a gagné la guerre. Cette forme d’affrontement, certes on ne peut plus dramatique, n’a aucune vraisemblance et ne colle pas à l’univers posé par Tolkien. De manière plus globale cela dit, on peut facilement critiquer l’écriture des personnages. Semblant soumis à des besoins narratifs, ils prennent sans cesse des décisions impulsives et très questionnables, les faisant même parfois passer pour bêtes, et par extension rendant brillants des personnages simplement raisonnables.
La Guerre des Rohirrim plaira donc surement aux aficionados d’animés, qu’ils aiment ou non le Seigneur des Anneaux, là où l’inverse sera à coup sûr moins vrai.