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    Le Procès du chien : anatomie d’une truffe

    Avocate des causes désespérées, Avril se retrouve à défendre Cosmos, un chien d’aveugle accusé d’avoir défiguré une femme. Autant aidée par sa verve rhétorique que par son obstination, elle obtient du juge que le chien, considéré par la loi suisse comme du mobilier, soit finalement jugé à la place de son maître, comme une personne – événement inédit dans l’histoire de la justice.

    Premier long-métrage de l’actrice Lætitia Dosch (récemment aperçue dans le très beau Roman de Jim), Le Procès du chien prend la forme d’une histoire racontée à la première personne par sa protagoniste, une quarantenaire célibataire un peu loufoque, dont l’empathie profonde s’accommode mal de la violence du monde. En empruntant cette veine narrative, le film se rapproche de la fable : réduits à leurs traits les plus saillants, les personnages et les situations qu’ils traversent ressemblent à des versions gonflées, cartoonisées, d’eux-même. L’exemple le plus frappant étant sans doute le pathétique Dariuch, maître éploré et aveugle auquel François Damiens prête ses traits grimaçants. Figures burlesques, couleurs acidulées : l’univers de la cinéaste convoque autant les contes moraux que la bande dessinée.

    Ce dispositif d’écriture a deux conséquences. La première, c’est de remiser au placard la possibilité de la nuance, de la complexité. Le film est simple, direct, mais peine parfois à insuffler de la vie dans les marionnettes qu’il agite sous les yeux des spectateurs. Ainsi du personnage de Marc, comportementaliste animalier interprété par Jean-Pascal Zadi, machine à punchlines unidimensionnelle, mais peu crédible en intérêt romantique. La seconde, plus intéressante, est que cette épaisseur de trait permet de faire ressortir les enjeux moraux et philosophiques du conflit au centre de l’intrigue et souligner le malaise qu’ils suscitent en notre humanité : un chien a-t-il une âme et peut-il être considéré comme un individu ? Si c’est le cas, n’est-ce pas dans notre rapport de domination affichée face à eux qu’il faudrait chercher la raison d’un comportement violent ?

    Des questions passionnantes qu’elle soulève, la réalisatrice ne parvient malheureusement pas à tirer un récit tenu et cohérent. Si on s’amuse volontiers des vaines tentatives des « experts » qui défilent à la barre pour statuer sur l’intériorité du chien et n’évitent jamais le piège de l’anthropomorphisation, Dosch charge la barque inutilement en entremêlant à cette réflexion un cortège de problématiques sociales. Féminisme, hystérie des réseaux sociaux, pureté militante, violences intrafamiliales : l’intention de tisser les luttes dans un grand film intersectionnel est louable, certes, mais certainement trop ambitieuse pour le traitement pop, léger et mineur qui lui est réservé. Le récit aurait certainement gagné à tenir sa ligne de crête, à savoir exposer au grand jour par le ridicule le spécisme ordinaire, notre pitoyable sentiment de supériorité sur les animaux non-humains.

    Arthur Bouet
    Arthur Bouet
    Journaliste

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    Le Procès du chienRéalisateur : Laetitia Dosch Genre : ComédieActeurs et actrices : Laetitia Dosch, François Damiens, Pierre DeladonchampsNationalité : FranceDate de sortie : 11 septembre 2024 Avocate des causes désespérées, Avril se retrouve à défendre Cosmos, un chien d'aveugle accusé d'avoir défiguré une femme....Le Procès du chien : anatomie d'une truffe