Le Pont des Espions
de Steven Spielberg
Thriller
Avec Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd
Sorti le 2 décembre 2015
En pleine guerre froide, James Donovan, un avocat ayant participé au procès de Nuremberg, se voit confier la mission de défendre Rudolf Abel, un espion russe arrêté sur le sol américain. Si la tâche s’avère perdue d’avance, il est cependant rappelé quelques temps plus tard pour négocier avec l’URSS un échange entre Rudolf Abel et Francis Gary Powers, un pilote de U2 capturé deux années auparavant.
Depuis Cheval de Guerre et Lincoln, Steven Spielberg semble avoir définitivement délaissé les extra-terrestres pour se (re)plonger dans l’histoire. Un choix salutaire puisque ces deux productions ont prouvé qu’il s’agit d’un genre avec lequel l’intéressé jongle admirablement. Pour s’en persuader, il suffit de se remémorer l’Empire du Soleil, La Liste de Schindler ou encore Il faut sauver le soldat Ryan.
Avec Le Pont des Espions, nous nous éloignons pourtant du récit de guerre pour davantage travailler dans le thriller politique. En cela, cette nouvelle production se rapproche plus d’un certain Munich, si l’on omet son sujet. Le rythme y est lent, les sursauts scénaristiques rares et les palabres innombrables.
Mais Steven Spielberg n’endort pas pour autant ses spectateurs. Grâce à un scénario bien construit par les frères Coen et grâce à l’expérience incontestable de Tom Hanks, le cinéaste a obtenu un récit solide mené par un acteur charismatique. Partant de cette esquisse enviable, Steven Spielberg n’avait qu’à peaufiner les décors, les costumes, les prises de vue et les effets pour que son 28ème film en mette plein la vue. Et c’est ce qu’il se passe.
Le spectateur n’a alors plus qu’à admirer les images, apprécier le jeu des acteurs – dont celui de l’admirable Mark Rylance – et démêler le fil de l’histoire où un jeu d’échecs à trois se tisse peu à peu.
Nous comprenons alors que la volonté du réalisateur est de glorifier James Donovan via ses coups de maîtres diplomatiques et l’installer au centre de l’échiquier politique impliquant les Etats-Unis, l’URSS et la RDA. Mais ce choix bouscule quelque peu la donne. Et pour cause, hormis les interrogations de James Donovan, tout y est balancé à la grosse louche, si bien que le spectateur ne se doute à aucun instant que cinq années s’écoulent entre l’arrestation de l’espion et l’échange. Préférant s’attarder – pendant 2h20 – sur « son » Tom Hanks et sur certaines scènes futiles, Steven Spielberg en oublie alors les autres intervenants et surtout, oublie de nous contextualiser davantage le personnage sibyllin qu’est Rudolf Abel.
En résumé, Le Pont des Espions est un bon thriller politique. Mais en voulant trop axer sa caméra sur Tom Hanks et son personnage, Steven Spielberg oublie de la tourner vers un protagoniste encore plus passionnant : Rudolf Abel… ou plutôt William Fischer.