Scénario : Gwendoline Raisson
Dessin : Magali Le Huche
Éditeur : Dargaud
Sortie : 05 janvier 2024
Genre : Roman graphique
Mères anonymes ne raconte pas une mais des histoires : celles de femmes, mères de jeunes enfants ou bébés, qui galèrent à vivre leur vie. Dans cette grande ville (parisienne ?), les publicités le long des boulevards mettent en avant une Monica Bellucci épanouie gérant sa famille de manière apaisée. On y vend des pilules pour devenir une super maman. Comment vivre avec ce que la société renvoie continuellement ? La solution ici est toute trouvée : rejoindre les Mères Anonymes !
En référence au bien connu (et parfois souvent moqué) Alcooliques Anonymes, des femmes se réunissent donc en cercle pour parler de ce qui ne va pas. De leur mari absent, de leur enfant violent, de leur envie de violence parfois, de leur impuissance, de leur dépassement quotidien. Si tous ces thèmes sont difficiles à entendre et écouter, Gwendoline Raisson et Magali Le Huche font la part belle à la légèreté, à l’humour désespérant de la vie de tous les jours, à la poésie désenchantée qui n’est pas (encore) au fond du trou.
Les autrices racontent ces histoires à travers divers personnages dont on suit les pérégrinations à travers les plus de 250 pages de ce roman graphique. Il y a Marie, Caro, Hélène, … toutes différentes mais là pour se soutenir, dans ce groupe de parole qui sert ici d’excuse narrative pour exprimer un autre discours sur la maternité. Cette réunion des Mères Anonymes permet à la parole de sortir, aux mini-histoires/sketchs de 2 ou 3 pages de circuler, tandis qu’une légère révolte commune se fait entendre tout le long du roman, donnant à voir une réponse collective dans les rues de cette ville qui met sur un piédestal l’image de la mère parfaite.
Mères anonymes est le recueil de deux romans graphiques, Mères Anonymes écrit en 2013, et À la recherche du nouveau père en 2015. Ce sont des bandes dessinées qui ont inspiré la série Arte du même nom. Si cette BD se lit très rapidement, c’est grâce à la lisibilité des situations qui sont en plus décrites par des monologues. Les conversations ne sont pas nombreuses parce qu’on traite ici principalement de femmes seules, volontairement ou délaissées par leur mari, femmes seules qui prennent la parole face à un groupe, qui élèvent leurs enfants seule et dont on élève les mérites tout en conscientisant leur folie d’assumer un tel acte.
Si leur sujet est solide et toujours très contemporain, cette reprise n’est pas la bande dessinée la plus féministe ou politique de 2024. La légèreté du propos fait que les autrices restent en surface. #MeToo est passé par là, le féminisme a changé. On voit ici surtout des femmes blanches, minces, uniquement hétérosexuelles à priori (cis aussi, qu’on pourrait ajouter) qui vivent (à Paris ?) sans trop de soucis financiers apparents. À côté de cette écoute en groupe, il y a cette idée de rivalité entre filles qui persiste tout du long (les Mères Anonymes contre les femmes qui font semblant d’être heureuses comme Monica Bellucci qui s’en prend plein la figure), ce qui est un peu agaçant. Enfin, l’homme qui a une place important dans la BD est un papa accueilli pour parler au sein du collectif. Si l’idée est bonne, cela n’évite pas d’autres nouveaux clichés, faisant l’éloge de cet homme (blanc, pouvant se permette de travailler moins, dans une grande ville), formidable car déconstruit.