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    Le monde d’hier de Stefan Zweig au Public

    De Stefan Zweig. Un projet de Itsik Elbaz et une mise en scène collective. Avec Itsik Elbaz, Patricia Ide, Anne Sylvain. Du 31 janvier au 27 février 2022 au Théâtre Le Public.

    La pièce, basée sur le roman éponyme de Stefan Zweig, nous emmène dans une parenthèse bouleversante d’une troublante actualité.

    A travers l’œuvre et la vie de cet écrivain, les trois comédiens présents sur scène, Itsik Elbaz, Patricia Ide et Anne Sylvain, nous embarque dans un périple jalonné de désillusions sur l’avenir du monde. Stefan Zweig écrit Le monde d’hier en 1941. Il l’envoie à son éditeur la veille de son suicide. Rédigé comme un roman autobiographique, l’auteur nous exprime son errance après la montée du nazisme en Autriche, sa terre d’origine. De confession juive, ce dernier se retrouve du jour au lendemain dans la peau du migrant, forcé de fuir son pays afin d’échapper à la folie nationaliste qui gronde en Europe. Mais c’est avant tout un ouvrage qui parle d’une incapacité à envisager l’horreur, à notre incompréhension face à la tyrannie. « Nous n’avions pas vu… nous n’avions pas vu… », dit-il. Nous, ce sont les intellectuels, les artistes. Nous, ce sont les citoyens, des hommes et des femmes ordinaires.

    La mise en scène est délicate, évanescente, comme un souvenir. Les lumières sont tamisées, la proximité des comédiens avec le public donne à cette pièce une aura intimiste. Reprenant tour à tour des bouts du roman, dans une narration à rebours en commençant à la fin du récit et en finissant au début de l’histoire. A l’époque où la vie était encore belle et où la liberté était à la portée de tous. Face à cette vague d’extrémisme, l’auteur dresse le rempart de la culture. Grâce à elle, pense-t-il, aucune obscurité ne pourra exister, la culture éclairera le siècle, il n’en est pas possible autrement. Jamais dans l’histoire n’avait soufflé un vent artistique aussi prospère. Pourtant alors… pourtant… le pire était à venir… Inimaginable… Intolérable… C’est avec une pilule de cyanure que Stefan Zweig ferme les yeux sur son siècle, à 61 ans en 1942. Il ne verra pas la fin de l’horreur ou devrait-on dire, il ne verra pas ce que la folie d’une poignée d’hommes avides de pouvoir et de haine avait pu causer.

    D’une redoutable sensibilité, cette pièce nous permet d’entrer dans l’esprit d’une époque trop lointaine aujourd’hui, pour continuer d’exister dans sa plus grande pertinence. Elle nous amène cela. Un voyage dans le temps de plus d’un siècle, pour nous donner peut-être quelques clefs afin de comprendre notre époque, pour nous prémunir de ses dérives. Nous montrer que l’intolérance ne nait pas comme un coup de canon, mais qu’au contraire, elle progresse lentement comme un poison dans les veines. Et que face à elle, même si cela peut paraitre vain, la culture a un rôle à jouer. Nos trois comédiens ont décidé de tenir ce rôle et à travers leurs voix, de peut-être permettre à celle de Stefan Zweig d’exister là où jadis elle ne s’était pas exprimée.

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