auteur : Ofir Touché Gafla
éditions : Actes Sud, collection Exofictions
sortie : janvier 2015
genre : Science-Fiction
Le monde de Ben Mendelssohn s’effondre le jour où sa femme, Marianne, décède dans un accident. L’inconsolable veuf ne parvient à trouver de réconfort que dans la mort afin rejoindre sa bien-aimée. Ce que nul ne sait, c’est qu’il y a une vie après le trépas : l’Autre Monde. Dans cet univers, tous les morts ont droit à une deuxième existence lisse et sans problème. On vit nu pour n’avoir plus rien à cacher, les handicaps physiques ou mentaux n’existent plus, chaque arrivant comprend la langue des autres, il y a des logements pour tous, chacun peut opter pour un nouveau choix de vie épanouissante et pleine de projets… Dans ce gigantesque monde utopique, Ben est heureux. Il va pouvoir rejoindre Marianne et l’enlacer à nouveau. Durant sa quête, il rencontrera de nouvelles têtes et en reverra d’autres, disparues depuis longtemps. Cependant, retrouver Marianne s’avérera être une tâche bien plus difficile que Ben ne le pensait…
L’imagination débordante qu’il aura fallu à l’auteur pour créer cet univers post mortem est réellement un tour de force ! Rien n’est laissé au hasard, absolument tout a été prévu pour pallier aux problèmes liés à la vie sur Terre et profiter d’une organisation bien pensée afin que « tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », comme disait l’autre. Telle une araignée patiente, Ofir Touché Gafla a tissé son roman de façon très minutieuse : on a souvent l’impression de lire un thriller en découvrant petite touche par petite touche des éléments de la vie des héros. Les multiples personnages secondaires ont quant à eux leur importance car ils étoffent le récit sans l’encombrer et sont d’une façon ou d’une autre reliés au fil rouge du livre. On sera d’ailleurs heureux de savoir que, même s’il est un peu tordu, il y a un Belge dans l’histoire !
Ce qui fait également la magie du roman, c’est que les petits nouveaux fraîchement décédés peuvent continuer leur existence sans la noirceur du monde des vivants, ni crises sociales ou financières, ni chômage, ni transports en commun bondés et puants… tout est beau et possible. Evidemment grosse surprise à leur arrivée : il est difficile de ne pas se demander quel plan douteux les attendent en voyant une foule faire le pied de grue en tenue d’Eve. Mais une fois la gêne passée, quel bonheur de serrer dans ses bras grand-papy complètement à poil !
Malgré tout, la venue dans l’Autre Monde est source d’angoisses. A travers les yeux de Ben, le lecteur vit toutes les peurs des nouveaux arrivants : est-il possible qu’ils ne retrouvent pas leurs proches disparus ? Les sentiments amoureux seront-ils restés intacts ? Les couples pourront-ils se rejoindre sans devoir faire ménage à trois ? C’est avec ces interrogations que Ben devra continuer ses recherches pour retrouver Marianne et faire face à une toute autre question : connaît-on vraiment ceux qu’on aime ?
On se laisse donc entraîner avec grand plaisir dans cet incroyable récit truffé de jeux de mots, de concepts un peu fous qui trouvent cependant tout leur sens dans l’Autre Monde mais aussi de voyages dans le temps (qui permettent aux nouveaux morts de côtoyer Shakespeare ou encore Marilyn… tout nus qui plus est). Les incessants rebondissements ne finissent jamais de surprendre le lecteur. Ce dernier doit cependant rester attentif car même si le roman se laisse lire avec avidité, les événements qui se succèdent sont parfois légèrement tirés par les cheveux.