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    Le MàD, rendez-vous littéraire, hybride, poétique et engagé

    Le Théâtre National organise la première édition du festival Mots à Défendre (MàD) autour de la thématique « Pourquoi nous battons-nous ? ». Sur deux (longs) week-ends, l’événement rassemble 31 projets sous la houlette de Caroline Lamarche et Joëlle Sambi.

    Prix Goncourt de la nouvelle 2019 pour son recueil Nous sommes à la lisière, Caroline Lamarche est romancière, nouvelliste, poétesse et chroniqueuse. Prix Scam du parcours littéraire 2021, Joëlle Sambi est poétesse, slameuse, féministe et activiste LGBTQA+, entre Bruxelles et Kinshasa.

    Toutes deux sont les autrices associées au Festival mais aussi à l’ensemble du projet de Pierre Thys pour son premier mandat (5 ans) de directeur général et artistique du Théâtre National. « Le festival est dédié aux littératures, explique ce dernier, à l’art du dire, de conter, de raconter. C’est un festival complexe parce qu’il sort du cadre mais il se veut syncrétique, cohérent et riche de ses métissages ».

    Durant deux week-ends (du 10 au 12 mars et du 17 au 19 mars), la puissance des voix culturelles et artistiques, des musiques, des images, prendront leur quartier dans tout le bâtiment, du -2 au 5e étage, sous forme de performances, d’installations, d’expositions, d’ateliers, de tables rondes et de DJ sets.

    Caroline Lamarche : texte, voix, public

    A côté de projets programmés par le National, la carte blanche donnée aux deux autrices leur permettra de mettre les mots, notamment, sur leurs préoccupations de justice sociale et climatique et de sororité. Le festival s’ouvrira par une lecture à deux voix autour du constat de la montée des périls et la puissance explosive d’une réponse collective. Caroline Lamarche et Joëlle Sambi ont, chacune de son côté, rédigé un poème inspiré par le titre du film Why We Fight d’Alain Platel et Mirjam Devriendt (qui sera projeté au Palace en marge de l’événement). Les deux textes se révèlent étonnamment complémentaires.

    Suite n°4, l’Encyclopédie de la parole les voix enregistrées de personnages disparus reviennent du passé dans une sorte de théâtre des fantômes soutenu par la musique contemporaine de l’ensemble Ictus.

    Lecture à deux voix également pour Les Voix de l’eau où Caroline Lamarche et David Van Reybrouck font mémoire aux terribles inondations de juillet 2021 en région liégeoise. « C’est un moment de commémoration, souligne l’autrice, mais aussi un moment politique de par la solidarité flamande qui s’est exprimée à ce moment ». Il sera également question de ces inondations dans Toujours l’eau, un diaporama mis en voix sur le quotidien des rescapés des inondations. Cette matière sonore et visuelle est le fruit de l’immersion de Caroline Lamarche et la photographe Françoise Deprez durant dix mois dans les vallées de l’Ourthe et de la Vesdre.

    Trois enquêtes, trois écritures et trois époques, dans Les historiennes, l’actrice Jeanne Balibar, seule au plateau, se réapproprie les récits de vie de trois femmes en luttes : l’esclave brésilienne Páscoa Viera, à la parricide Violette Nozière et l’actrice et militante Delphine Seyrig.

    Dans Et le Congo créa la littérature, Jean Bofane explore la décolonisation des imaginaires, au travers de trois nouvelles autour des chats errants de Kinshasa, la relecture de Tintin au Congo ou la possibilité de devenir écrivain envers et contre les Blancs.

    Figure phare de la scène drag et queer, Peggy Lee Cooper propose J’ai des lettres, mais j’ai pas de culotte, un medley de chansons françaises où se côtoient, avec irrévérence et un soupçon de vulgarité, des pointures de la discipline (Piaf, Barbar, …)et des figures plus « populaires » (Grand Jojo, Annie Cordy, …).

    Joëlle Sambi : autant faire parler les miens

    Plaçant sa programmation sous le signe de l’engagement et l’urgence, l’autrice slameuse investit le second week-end avec un focus Congo. En ouverture, la slameuse et poétesse Do Nsoseme et le slameur, poète microMEGA Le Verbivore, deux figures majeures de la scène congolaise, évoquent leur combat commun contre l’invisibilisation, les droits des femmes et des enfants.

    Koko Slam Gang rassemble trois générations de Congolaises sur le plateau : deux poétesses Joëlle Sambi, Raissa Yowali et les Kokos (« grand-mère » en lingala). Ce spectacle poétique et intergénérationnel mêlant chant, danses, contes et souvenirs pose la question : si vous deviez mourir demain, que voudriez-vous dire ?

    Inspiré de la Lucha Libre péruvienne, le Catch littéraire verra s’affronter les poétesses Alice Coffin, Camille Pier, Marie Darah, Christine Aventin, Do Nsoseme et Sihame Haddaoui. Sur le ring, les jouteuses littéraires ont trois minutes pour écrire un texte à partir d’un un mot tiré au sort, sous l’arbitrage de King Baxter. Au final, c’est le public qui choisit le meilleur.

    Pour sa première performance solo, Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, Hashem Hashem aborde l’histoire double du corps en transition de genre et de la ville, Beyrouth, en pleine transformation radicale.

    Dans un atelier d’écriture, l’autrice Claire Olirencia Deville propose aux enfants d’écrire leur conte de fée personnel. Par ailleurs, elle présente Contes défaits, une lecture de contes décalés dont les personnages ne correspondent pas aux normes du diktat médiatique.

    Artiste de la performance et le rap, engagés, poétiques et audacieux, Law rassemble des artistes de la scène émergente rap/hip-hop, Dibby sounds, Grace La Géante, Gender Panik, Uzi Freyja, Tracy de Sa. Liquides Lyriques célèbre l’érotisme et la diversité des corps et s’interroge sur les violences que l’on rencontre quand on n’est pas dans la norme.

    Dans RER Q – La sex party dont vous êtes le héros / l’héroïne, six « autrix queer » féministes, Wendy Delorme, Rébecca Chaillon, Camille Cornu, Claire Finch, Élodie Petit et Etaïnn Zwer, proposent un spectacle de théâtre participatif dans laquelle le public est invité à choisir entre plusieurs options pour déterminer le déroulement du récit.

    Ceci n’est, bien sûr, qu’un aperçu sommaire et subjectif d’un programme riche et audacieux qui entend, selon Pierre Thys, « quitter le regard univoque et combattre les effets nocifs d’une certaine culture patriarcale ».


    Festival des Mots à Défendre, du 10 au 12 mars et du 17 au 19 mars, au théâtre National.
    Programmation complète et présentation des spectacles sur www.theatrenational.be

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