Le Livre des solutions
de Michel Gondry
Comédie dramatique
Avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Frankie Wallach
Sortie le 20 septembre 2023
Travailler des mois. Présenter quelque chose dont on est fier. Entendre que c’est mauvais, qu’il faut tout arrêter. Refuser. Ainsi débute Le Livre des solutions. Marc est un réalisateur que les succès amènent à faire un film au budget assez conséquent et qui refuse l’avis sans demi-mesure des producteurs et distributeurs : le film est une bouillie expérimentale irrattrapable sans queue ni tête. C’est alors que Marc débute une course contre la montre, caché au milieu des Cévennes dans la maison de sa tante avec sa monteuse et son assistante. Finir le film coûte que coûte en naviguant entre dénis, intuitions et impulsions.
Mais Marc n’est pas un simple réalisateur, c’est un réalisateur malade. Atteint de troubles bipolaires, le protagoniste contraint la narration du film qui s’articule en deux actes suite à l’arrêt de son traitement : la crise maniaque qui s’étale sur les deux premiers tiers du film, puis la phase de dépression qui accompagne la fin de la création et le retour à Paris. Cependant, si l’épisode maniaco-dépressif de Marc apparaît comme le moteur de la narration, il ne semble pas être le sujet du film tant il n’est pas pris au sérieux. À l’inverse des Intranquilles (2021), le trouble bipolaire est traité avec légèreté, sans aucun aspect médical, sans réelles conséquences sur l’entourage de Marc ou sur la suite de son existence. Mais si la maladie n’est pas le sujet du film alors quel est-il ?
Et c’est bien ici que les choses se corsent car l’ensemble du long-métrage laisse songeur quant au regard que le réalisateur pose sur son histoire et sur son personnage. Michel Gondry semble ne pas trancher entre la dénonciation du comportement toxique et délétère de son protagoniste et l’acceptation de celui-ci, mal nécessaire à l’expression du génie créatif. Que cherche-t-on à faire naître de ce Marc chez le spectateur ? L’empathie pour un homme qui souffre à coup sûr mais une empathie qui se heurte aux caprices ridicules d’un réalisateur-tyran. Est-on dans le mythe de la création-destructions des poètes maudits ? Pas vraiment tant le recul de Michel Gondry parait évident. Est-on dans un film de développement personnel comme pourrait le faire croire le livre éponyme écrit par Marc ? Encore une fois, rien de cela n’est véritablement traité avec sérieux.
Alors, que reste-t-il ? Un feel good movie, assurément. Mais un feel good movie sans réelles saveurs, un feel good movie sans discours, sans morale, sans vision de la vie. Alors pourquoi manque-t-il autant ? Peut-être parce que Michel Gondry s’est attaqué à la plus difficile chose qui soit : avoir un discours critique et cohérent sur soi-même. Car dans Le Livre des solutions, il y a du Michel Gondry sous les traits de Marc. Ayant arrêté son traitement pendant le montage de L’Écume des jours (2013), le lauréat de l’Oscar du meilleur scénario original pour Eternal Sunshine Of The Spotless Mind (2004) fut diagnostiqué bipolaire dans la foulée.
Sans doute ce film est en partie thérapeutique. Peut-être se veut-il excuses pour des erreurs dont le réalisateur prend conscience à posteriori. Probablement à charge envers ceux qui adoptent de tels comportements ou potentiellement didactiques envers ceux qui les subissent. A priori dénonçant mais finalement assez complaisant, Le Livre des solutions n’apporte pas beaucoup de réponses.