Auteur : Chris de Stoop
Edition : Christian Bourgeois Editeur
Collection : Satellites
Genre du livre : Récit
Notre compatriote, Chris de Stoop n’en est pas à son premier coup d’essai en matière d’investigation. Il est en effet l’auteur de nombreux articles et ouvrages retentissants, notamment sur la traite des êtres humains ou des sans-papiers.
Dans Le livre de Daniel, il couvre un procès pour lequel il s’est porté partie civile, étant donné le caractère très personnel de l’affaire : le meurtre de son oncle par cinq jeunes. L’affaire s’est déroulée en 2014 dans une commune wallonne proche de la frontière française et de Roubaix. Daniel de Stoop, 84 ans, vit seul dans sa ferme qu’il continue d’exploiter. En l’espace d’une semaine, une bande de jeunes viendra plusieurs fois chez le vieil homme pour l’agresser, l’assommer à mort, lui voler son argent tout en prenant le soin de filmer l’agonie du vieillard. Ils finiront le boulot en incendiant la ferme pour effacer toute trace du meurtre.
Devant une telle sauvagerie, il est très compliqué de ne pas prendre parti. D’une part pour Daniel, un homme courageux et bienveillant. Vivant en marge de la société, il n’avait pas de voiture, pas de compte en banque, pas de smartphone ni de vie sociale. Et alors ? C’est ce qu’essaie de nous faire comprendre son neveu : est-on coupable de vivre en ermite ? Les villageois et les psys du procès ont l’air de le penser en tous cas…
Et d’autre part, comment ne pas prendre parti contre ces jeunes qui ressentent le besoin de filmer le tabassage à mort d’un vieil homme pour frimer auprès des copains ? Des jeunes qui se sentent légitimes de voler et de tuer pour de l’argent, seule bouée de sauvetage qui leur permettra de s’élever dans cette société de consommation qui gangrène leur cerveau. On ne parle pas d’une montagne de fric, non, mais bien de quelques milliers d’euros, qu’ils ont dépensé vite fait pour acheter des Iphones, des fringues de marque et des motos. Des jeunes qui ignorent totalement où placer raisonnablement le curseur entre le bien et le mal.
Pourtant Chris de Stoop se fait l’avocat du diable en se donnant la peine de retracer leur court parcours de vie, dont les prémices se rejoignent sur l’absence des parents et le décrochage scolaire. Sans repères, les mauvaises fréquentations finissent par les cadenasser dans la petite criminalité et le tout se solde en un drame innommable. Il analyse également brièvement (et de manière très digeste) la pauvreté des villes dont sont issus ces jeunes hommes pour qui les termes chômage et seuil de pauvreté ont toujours fait partie du quotidien.
Quoi qu’il en soit, Chris de Stoop a voulu par ce récit rendre justice à son oncle, mais également le réhumaniser auprès de toute une communauté qui l’appelait « gentiment » le vieux crasseux, en évoquant notamment ses parents, son frère, sa gentillesse et son amour des animaux et du travail à la ferme.
Cependant, le plus choquant dans cet ouvrage, reste l’absence de réaction du bourgmestre et de la police envers cette meute de jeunes qui font régner la terreur dans le hameau, mais aussi des parents qui laissent tomber leur autorité au fur et à mesure que leurs enfants grandissent…et leur fassent peur.
Le plus sage serait de passer outre cette violence gratuite sans pointer du doigt exclusivement les coupables, et de repenser la société, l’éducation et la justice. Mais au risque de conclure de façon pessimiste : n’est-ce pas là une chimère ?