Titre : Le karaté est un état d’esprit
Auteur : Harry Crews
Editions : Sonatine
Date de parution : 6 juin 2019
Genre : roman
John Kaimon se réveille un beau matin sur une plage de Floride. Après une brève rencontre avec un couple d’homosexuels au comportement désopilant, John assiste à une scène pour le moins intrigante : au bord de l’eau, sur les rochers, une jeune femme magnifique et presque nue envoie au tapis un homme en kimono et ceinture jaune. Plusieurs autres combats font rage. Fasciné, John décide de se joindre à ce groupe étrange même si pour cela il doit courir 8 km au soleil, même s’il doit vomir ses tripes sur le bord de la route, même s’il doit accepter de souffrir et renoncer à tout le reste. Pour l’art du karaté !
Le karaté est un état d’esprit raconte un voyage initiatique dans lequel John Kaimon est plongé violemment dans la quête de la vérité et de la force mentale. John se retrouve à vivre au sein de cette communauté qui a élu domicile dans un hôtel désaffecté dont la piscine vide sert de salle d’entraînement.
Au premier abord, l’histoire semble très attrayante : on imagine les valeurs du karaté mêlée à l’entraînement physique et à l’apprentissage des techniques. La réalité est toute autre. Dès le début, l’auteur précise que le karaté décrit dans cet ouvrage ne correspond à rien d’autre qu’à son propre délire. Il fait bien de le préciser, car en ce qui concerne l’art martial, seuls les termes techniques utilisés sont corrects, ce qui peut être décevant pour les connaisseurs.
Les scènes et les personnages présentés sont parfois invraisemblables et peuvent manquer de profondeur, ce qui a pour effet de troubler le lecteur qui se doit de faire un effort de compréhension quant aux différents événements et aux motivations des personnages. De plus, ils sont décrits avec un goût certain pour le cru et le trash, pas toujours nécessaire. Ces particularités et certaines thématiques de cet ouvrage comme le sexe dans sa version la plus bestiale, les freaks et la violence font partie intégrante de l’univers d’Harry Crews. Un univers pour le moins délirant, noir et ironique qui n’est pas donné à tout le monde d’apprécier.
Il est également important d’attirer l’attention du lecteur sur la date d’écriture du texte original. Publié en Amérique au début des années 70, ce roman est sans nul doute l’expression d’une époque désormais révolue. La description de l’homosexualité digne de La Cage aux folles serait aujourd’hui jugée homophobe et vulgaire. Il en va de même pour les rares mentions des Afro-Américains avec de multiples utilisations du mot « Nègres », terme qui n’est plus dans l’air du temps. Ces propos peuvent choquer le public d’aujourd’hui et il nous semble judicieux de recontextualiser ce récit.
Pour apprécier ce roman, il est donc nécessaire de comprendre Harry Crews. L’univers de cet auteur est lié à une époque, un contexte, une histoire personnelle. Pénétrer dans cet univers en 2019 par le biais de cet ouvrage n’est pas chose aisée. Cependant, si vous y parvenez, vous développerez un regard nouveau sur une facette de l’Amérique des années 70. Un roman pour les initiés donc… ou pour les motivés !