Le Jeune Imam
de Kim Chapiron
Drame
Avec Abdulah Sissoko, Hady Berthe, Issaka Sawadogo
Sortie le 21 juin 2023
Ali, jeune adolescent problématique, est envoyé grandir au Mali par sa mère. Dix ans plus tard, le voilà propulsé au rang d’imam lors de son retour en France. Mais les rêves d’Ali sont un peu trop grands et les ennuis ne tardent pas à arriver. Voilà, en tout et pour tout, comment on pourrait résumer Le Jeune Imam. Cependant, nul besoin de voir le film pour le raconter de la sorte. Entre un titre qui donne la résolution de l’intrigue principale de la première partie du film, une bande-annonce absolument représentative de la structure narrative et une scène d’introduction en flashforward montrant la dernière séquence du long-métrage, il n’y a plus beaucoup de surprises à se mettre sous le dent passées les cinq premières minutes.
En effet, le film s’ouvre avec de jeunes hommes forçant l’entrée d’une mosquée en pleine nuit et cherchant Ali alors que des personnes plus âgées descendent, dépitées et en habits traditionnels, d’un bus. Certes il n’est jamais dit exactement au spectateur ce qui a amené cette situation mais, à la différence d’un film comme Intouchables, qui débute aussi par un flashforward dans le feu de l’action, ce qui est représenté ici n’est, par la suite, pas résolu, le film s’arrêtant avec un Ali réfugié dans une étable, ne nous donnant à voir en plus qu’un dialogue final n’apportant pas grand-chose à ce que l’on savait déjà. Ce qui découle de ce choix narratif, c’est un regard très fataliste car on sait, dès le départ, que les choses vont mal tourner. Outre le détachement émotionnel inconscient que peut entraîner une telle situation, le film n’offrant aucun rebondissement heureux une fois l’imam installé, ce final laisse le spectateur sur sa faim, lui qui savait pertinemment que ce qui arrive allait arriver. Un sentiment terrible qui pourrait presque laisser à penser que le film se termine là où il devrait commencer.
Et pourtant. Et pourtant, la promesse du film est belle et sous le titre Le Jeune Imam est esquissé un véritable questionnement quant à la modernisation de l’islam. Un prêche en lien avec les questionnements de la nouvelle génération, une digitalisation de la prière et des pratiques religieuses dans leur ensemble, une ouverture au mariage interreligieux, Ali veut remplir la mosquée, ramener les plus jeunes vers la foi et vers les préceptes sages et bienveillants de l’islam. Et si cette doctrine séduit, elle peut aussi effrayer les plus conservateurs et influents fidèles du lieu de culte. Ce conflit qui oppose deux visions de l’islam, deux générations de musulmans et offrant un grande richesse dans les possibles positionnements des personnages est pourtant très rapidement évacué au profit de cette histoire d’arnaque au Hajj.
Autre source de frustration, la première partie du film, l’enfance d’Ali, véritable court-métrage au sein du long-métrage, est de très grande qualité. Un modèle d’écriture offrant des personnages d’une grande profondeur bien loin des figures linéaires du reste du film. Comme un symbole, le personnage d’Ali enfant entretient un rapport à soi et aux autres bien plus complexe que le bienfaiteur, sans doute un peu vaniteux mais, mû par une authentique envie de bien faire qu’il sera adulte. A l’image d’un film comme Là-haut, la première, et pourtant beaucoup plus courte, partie du film surpasse tellement ce qui suit qu’il en ressort une certaine déception de ces promesses non-tenues.
Le film n’est fondamentalement pas raté, et l’injustice qu’il raconte (tirée de véritables arnaques) est absolument révoltante. Mais voir les déboires d’un jeune imam naïf et ambitieux dont on connaît à l’avance la chute sans savoir ce qui perdurera de son court règne, car le film décide finalement de se focaliser sur la tristesse et la colère de fidèles spoliés, laisse un goût d’inachevé et de promesse non-tenues qui ne font pas honneur à ce que le film devrait être.