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    Le Garçon de la piscine aux Tanneurs

    Ecriture de Salvatore Calcagno et Emilie Flamant, mise en scène de Salvatore Calcagno, avec Romain Cinter, Chloé De Grom, Emilie Flamant, Clément Goe- thals, Dominique Grosjean, Vincent Minne et Antoine Neufmars

    Du 9 au 13 décembre 2014 à 20h30 au Théâtre les Tanneurs

    Une silhouette élancée sur des chaussures compensées à talons ultra-hauts traverse la scène poussant un caddie et une glacière en ondulant des fesses. Cette figure ultra-sexualisée concentre à elle seule le propos de Salvatore Calcagno : une pièce sexuelle à outrance mais qui manque de finesse et d’homogénéité.

    « Pourquoi êtes-vous là ? », demande une voix imaginée. « Parce que les autres ont peur d’être ici ». Les petits caïds et la pulpeuse bomba sont là où peu osent s’aventurer, au coeur même du désir, celui qui nous effraie tellement il est violent ; celui qui n’a peur ni de déshabiller, ni de blesser, ni d’humilier. A travers plusieurs unités narratives successives, Salvatore Calcagno va tenter de disséquer cette force brutale.

    Mais qui est-il, ce garçon de la piscine ? Il est à la fois tous les personnages de cette bande sans âge et aucun d’eux. Ils portent tous le même uniforme pour figurer cette présence qui pèse sur la pièce. Car finalement, le garçon de la piscine, c’est un peu ce garçon qu’on observe, en retrait, parce qu’il a quelque chose de plus que les autres, quelque chose de follement sexuel. C’est cette sexualité sauvage et incontrôlable que Salvatore Calcagno aborde à travers tous ses personnages.

    Il effectue premièrement un travail plastique sur l’image : comme s’ils n’étaient qu’un seul, les corps deviennent des figures portant tous le même costume : jean et chemisette blanche, et en dessous un maillot rouge couvrant ou découvrant des corps irréprochables. La scénographie joint au travail plastique un travail sur la lumière parfois expressionniste, parfois déconstructionniste.

    Ensuite, Calcagno travaille le son reléguant souvent la parole à sa dimension sonore. Il fait parler ses personnages en italien ou vide carrément la parole de substance en la rendant abstraite par une répétition absurde. La parole n’a plus de sens, elle n’est plus que la manifestation d’une force interne, un désir brut.

    Le tout est ultra-référencé. Des ombres expressionistes d’Eisenstein ou de Riefensthal au costume de Marlon Brando dans Un tramway nommé désir en passant par le déhanché de Malena et un personnage fellinien, Calcagno truffe Le Garçon de la piscine de références culturelles qui rappellent la perfection corporelle et la sexualité.

    Tous les éléments sont sexualisés et poussés à l’extrême, comme pour fouiller les désirs les plus sombres et les mettre au centre de tout ce que l’on voit, de ce qu’on entend dans le spectacle. Regarder un match de foot devient prétexte à des jeux sexuels de domination sexuelle, se passer un joint devient l’excuse pour rapprocher des bouches et le spectacle donne vite l’impression de n’être là que pour expurger des obsessions personnelles.

    Ces obsessions ont beaucoup de mal à cohabiter, donnant au spectacle l’allure d’une succession de clichés qui ont du mal à exister ensemble. Comme si en voulant aller trop au coeur de son sujet, Calcagno avait oublié de le faire tenir dans la durée et l’homogénéité. Il tourne en permanence autour d’une idée mais semble avoir du mal à trouver la bonne distance. Parfois trop abscons et trop évident, il aurait gagné à ne pas trop souligner son propos.

    Le sujet reste intéressant mais aurait mérité d’être abordé avec plus de substance et un fil rouge plus étoffé qu’une simple observation de la sexualité. Il l’aurait ainsi rendu plus accessible et aurait ainsi évité d’en faire une succession disparate de tableaux.

    2-3/5

    Mathieu Pereira
    Mathieu Pereira
    Journaliste

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