Ecrit et mis en scène par Laura Rodriguez, avec en alternance Flavia Papadaniel, Noémi Knecht , Sophie Jaskulski et Sophia Geoffroy
Du 12 au 28 mars 2015 à 20h30 au Centre Culturel des Riches Claires
Le Drame est ailleurs dénonce les dérives d’une éducation cathodique poussée à l’extrême. A travers l’histoire expérimentale d’une famille téléphage asservie à un système technologique qui contrôle ses faits et gestes, la pièce se veut le reflet d’une génération biberonnée à la télévision, nourrie à coups de diktats technologiques et totalement déconnectée de la vraie vie.
Elles sont quatre sur scène, elles n’ont pas d’identité propre et elles vivent dans l’effacement total, complètement chevillées au virtuel. Les jeunes filles prestent en pilotage automatique, se répètent (en boucle et souvent avec incohérence) des dialogues sirupeux repris tout droit de leurs séries télévisées préférées, reproduisent les mêmes gestes que leurs acteurs fétiches de série B. Et puis, elles se rassurent en entendant la voix-off salvatrice de la télé-réalité du moment. Quant à la mère, les pubs pour poudres à lessiver ont laissé des traces bien tenaces sur elle ; en mode pile usagée, elle répète inlassablement des parties de slogans de ses marques préférées. Il ne nous faut pas plus d’un quart d’heure pour comprendre que le niveau de pensée des quatre femmes n’est pas loin du degré zéro. Elles sont acculées à être des automates. Elles n’agissent, ni ne parlent par elles-mêmes, elles se déconnectent de leur propre vie et sont au service d’un réseau qui les trace et leur impose ce qu’elles doivent penser.
Dans ses intentions, la jeune auteure et metteuse en scène Laura Rodriguez cherche à nous interroger sur notre manière de vivre actuelle, à nous alerter sur les conséquences possibles de nos comportements addictifs dans un avenir pas si lointain. A force de passer le plus clair de notre temps libre les yeux rivés sur nos écrans, ne considérons-nous pas nos téléphones, ordinateurs et télévisions comme des prolongements de nous-mêmes ? On peut aussi supposer que la somme des références acquises durant nos divertissements conditionne fortement notre manière de penser et finira peut-être même par l’anéantir un jour.
Oeuvre réflexive et consciente sur son époque, la pièce évoque la béance de sens qui nous menace et ne manque pas d’imagination pour tourner en dérision le monde factice qui nous entoure. Mais aussi ambitieuse soit l’entreprise, Le drame est ailleurs parvient malheureusement rarement à nous emporter dans cette histoire de télescopages entre réel et virtuel. Tout y apparait artificiel, hypercodé, aseptisé, froid et lent. Gageons que l’ensemble est très étudié et que quelques références appuyées de Laura Rodriguez nous ont échappé. Il n’empêche qu’entre les dialogues dénaturés, le jeu quasi robotique des comédiennes et l’usage excessif d’artifices, un peu plus d’humanité n’aurait pas été de refus.