Le cycle de Gormenghast Tome 2 : Gormenghast

Titre : Le cycle de Gormenghast Tome 2 : Gormenghast
Auteur : Mervyn Peake
Editions : Christian Bourgois
Date de parution : 14 mars 2024
Genre : Fantasy

Quel déshonneur l’abyssal et fastueux château de Gormenghast pourrait-il encore supporter ? Reste-t-il seulement une pierre de ce mastodonte charpenté qui n’ait pas déjà été souillée par le sang et l’avidité ? Après un final bourbeux, tout de graisse et de plumes, la saga Gormenghast continue. Pour notre plus grand effroi. Titus est devenu un jeune homme rebelle, bien moins intéressé par les responsabilités qui lui incombent maintenant qu’il est devenu comte, que par la nature austère grignotant le château. À la recherche d’une mystérieuse fille-oiseau, Titus s’enfonce dans l’indomptable forêt voisine, sans connaître ni ses humeurs météorologiques ni ses zones d’ombre. Sa fuite pétrifie le château. Gormenghast n’a plus son faste sans son comte. Une armée d’instituteurs se plie en quatre pour, d’abord, retrouver le couronné, et, ensuite, l’enchaîner à sa fonction.

Le début du second cycle s’engage en douceur. Mervyn Peakes prend le temps de présenter un chapelet de nouveaux personnages. Il s’agit bien sûr du corps enseignant. Et comme à son habitude, l’auteur ne lésine pas sur la caricature. C’est une vraie fanfare de bouffons qui fredonnent aux enfants leurs leçons. Bâillamort, figure tutélaire de ce concentré de nullité en sa fonction de principal, est peut-être aussi vieux que la première dalle venue pavée le sol du domaine. Il est transporté d’un endroit à un autre sur une chaise bringuebalante avec ses petites roues couinantes et son piétement trop long, poussée par un surveillant au teint brouillé. Ses disciples s’appellent Belaubois, Grimperche, Opus Flume. Ils ont les dents cariées, le regard porcin ou encore une prédisposition pour l’apathie. Mais une fois le décor planté, c’est un chapitre encore plus noir de l’histoire de Gormenghast qui s’écrit. Pendant que le régiment de pédagogues fait de l’éducation de Titus une priorité, Finelame se laisse porter par un projet nettement moins vertueux. C’est le pouvoir, encore et toujours, qui attire le jeune homme blafard, ancien larbin de la pyramide de graisse qu’était l’Enflure. Et pour ça, il est prêt à aller encore plus loin.

Avec Mervyn Peakes, on rit. On rit de ses amis biscornus, aux réactions imprévisibles et à la rhétorique grotesque. Mais on s’inquiète aussi, de la noirceur qui menace le château. On pleure les morts, car déjà dans le premier tome des têtes sont tombées au combat. On se scandalise de ce que la convoitise peut pousser à faire. Bref, Mervyn Peakes nous promène à travers un cortège d’émotions. Et ce, toujours avec les mêmes qualités littéraires. Mais parfois, sur la longueur, son style s’essouffle. À vouloir être trop grandiloquente, l’écriture paraît, à certains endroits, pompeuse. Manque d’équivalence dans la langue française peut-être, mais certains termes se répètent. C’est une avalanche qui s’abat sur le texte. Tout est immémorial et altier. C’est dommage car l’imaginaire  que Mervyn Peakes arrive à créer par la simple association de mots est vertigineux. À vous en couper le souffle. On remercie néanmoins Christian Bourgeois d’avoir fait le choix judicieux d’une mise en page aérée pour un texte qui, par moment, est un peu dense.