Titre : Le Chomor: Manuel des joueurs
Auteur.ice : Martin Mongin
Edition : J’ai Lu
Date de parution : 08 janvier 2025
Genre du livre : Roman
En parallèle de la sortie du Livre des comptes de Martin Mongin chez Tusitala, J’ai Lu sort en format poche la précédente curiosité du philosophe. Curiosité, parce qu’il n’a d’un livre que la forme. Le Chomor est une exploration incontrôlable dans les terres agrestes de la France et dans les friches de la littérature.
Que dire de Martin Mongin, si ce n’est qu’il faut l’avoir lu pour croire en son existence ? Qu’il pourrait être une figure légendaire et délirante. Un Pokemon rare de la littérature. Un vrai aventurier des terres inexplorées de la fiction qu’on pourrait imaginer collectionneur de cartes, la dégaine éventuellement hirsute, arpentant la France à la recherche de trésors cachés. En fait Martin Mongin intrigue, parce qu’il apporte ce qu’il faut d’excentricité et d’imprudence à nos lectures.
Galilée, au détriment de sa liberté, affirmait que la terre est ronde. Martin Mongin propose de la voir comme une créature sur la carapace de laquelle nous vivons. Au commencement, il y a un couple qui programme des vacances survoltées pour oublier qu’il est sur le point d’imploser. L’enfant. Le fruit de cette union déjà condamnée aspire à un peu plus de calme. Il convainc ses parents de le laisser traîner sur les plages des Côtes-d’Armor, avec ses nouveaux copains. Mais quand l’un d’entre eux disparaît, c’est une brèche vers d’autres possibles qui se forme. La suite, c’est une thésarde qui se laisse embrigadée dans un jeu défiant les Deus ex machina. Des jumelles exploitées par le « régérant » d’une usine où les petites filles s’entraînent sans répit aux jeux-vidéos. Une traque énigmatique dont le but est la destruction d’infrastructures polluantes. Et, bien sûr, une quête stellaire.
Dans son parcours professionnel, Martin Mongin ne cache pas son engagement politique. Il se fait notamment rédacteur d’articles corrosifs contre le système vigipirate français. Il est débrouillard et n’hésite pas à se tourner vers l’autoédition pour entretenir avec ses œuvres un rapport complet passant de l’écriture à la production. Mongin est un militant, bricoleur des mots. Ou au contraire, un bricoleur, militant de la littérature. Il défend une écriture qui défie toutes les règles en vigueur dans le domaine. En fait, Le Chomor répond à son propre système. Pour le comprendre, il faut imaginer une verticale aux extrémités de laquelle se trouvent le jeu et la littérature. Sur l’abscisse, s’opposent la fiction et le réel. Et au centre, Le Chomor.
Le Chomor joue avec le réel, impliquant des personnalités publiques dans le récit. On y croise Bruce Willis ou encore Elon Musk. Et entre les deux, un bref passage de Nelly Kaprièlian qui se demande probablement ce qu’elle peut bien faire là. Mais aussi Le Chomor se lit comme une énigme qu’il faut résoudre et qui induit une participation active du lecteur-joueur. Ne serait-ce que pour le caractère parfois hermétique de l’histoire. Comme c’était déjà le cas dans Francis Risin, chaque chapitre est indépendant mais entretient un lien plus ou moins ténu avec le précédent. Et là ne s’arrête pas l’exercice de style. La polyphonie, ce serait trop facile. L’auteur met un point d’honneur à changer de registre pour chaque section – explorant la science-fiction, le conte, en passant par le « livre dont tu es le héros ».
En plus de ces grandes ambitions, Le Chomor est un ouvrage cartographique de la France. Mongin explore son pays et n’est pas avare de détails. C’est un livre du terroir qui abonde en descriptions. Mais parfois, c’est un peu indigeste. En fait l’auteur gagnerait à couper dans le lard. La direction que prend le livre est indéfinissable. Incontrôlable. On attend les prochains chapitres avec impatience, espérant toujours à tort qu’il clarifieraient les précédents. Mais plus ça va, plus on s’enlise. Et plus on s’enlise, plus les envolées géographiques de l’auteur deviennent fatigantes. Le Chomor met à mal notre patience parce qu’il attise notre curiosité et nous ballade dans l’arrière pays et dans les terres embourbées de la littérature. Mais ne serait-ce que pour son inventivité, Le Chomor vaut réellement la peine d’être exploré. Une petite révolution littéraire qui mériterait sa place dans un cabinet de curiosité.