Avec Sandro Mabellini. Voix off de Benoit Gob. Texte de Pascal Rambert. Mise en scène de Camille de Bonhome. Scénographie et Costumes d’Ingrid Savelkoul et Camille de Bonhome. Du 20 avril au 6 mai 2022 aux Riches Claires.
« Bonjour, Mesdames et Messieurs. Vous allez bien ? Aujourd’hui, je vais jouer pour vous un comédien qui rentre chez lui, et qui n’est pas très heureux ». C’est par cette phrase que débute L’art du théâtre aux Riches Claires. En rompant dès les premières secondes le quatrième mur avec cette dernière adresse aux spectateurs avant de plonger dans un mutisme total pendant une heure, Sandro Mabellini donne le ton de la soirée.
Il jouera donc pour nous ce soir l’acteur qui rentre chez lui une fin d’après-midi, visiblement exténué. Sans un mot, et dans une lenteur au confluent de l’audace et de l’irritation, il nous livre sa routine pesante, aux antipodes de la vie trépidante que l’on attribue d’ordinaire aux acteurs. Trente minutes de vide, trente minutes de solitude, trente minutes de lenteur, comme un pied de nez à l’ultra-rapidité de la société actuelle.
C’est dans ces contours que survient finalement, en off, la voix de Benoit Gob. Ce soir à la radio, la diffusion d’une pièce sur l’art du théâtre. Monologue adressé par un acteur à son cocker, le texte de Pascal Rambert est un vibrant plaidoyer contre la société et le rôle que revêt le théâtre en son sein. Du « ton de messe » du théâtre français à l’abandon des comédiens livrés à eux-mêmes, en passant par les mises en scène suintant l’académique, tout y passe. Ce discours parviendra-t-il à déclencher quelque chose en notre « comédien pas très heureux » ? Plus globalement, le théâtre peut-il encore changer quelque chose en nous ? Tel est l’enjeu de la pièce.
« Les grands acteurs dans le silence pèsent les mots à l’intérieur d’eux. Ils pèsent chaque mot dans la balance de leur souffle ». Tout est dit. Ces mots résument à eux seuls l’optique prise par Camille de Bonhome. Le pari est osé : celui du silence, d’abord – celui de la voix off, ensuite. Dans l’atmosphère pesante qui règne sur le plateau, la voix grave de Benoit Gob confère à la plume de Pascal Rambert toute la puissance qu’elle mérite. Les mots brisent le silence avec véhémence et résonnent dans la salle avec force, comme un cri du cœur venu de loin pour être jeté à la face du monde.
Le texte est percutant et parvient à éviter l’entre soi qui découle souvent des discours sur le théâtre. À cet égard pourtant, le parti pris ce soir risque lui, au contraire, de n’enthousiasmer que les initiés. Gageons que certains spectateurs quitteront la Petite Salle des Riches Claires bouleversés par la prestation du soir ; d’autres repartiront indéniablement perplexes, voire lassés d’avoir assisté à un spectacle qui a choisi l’épuré pour dénoncer le trop-plein, une extrême pour en dénoncer une autre. N’est-ce pas là, aussi, un défaut propre à la société d’aujourd’hui ?