Titre : L’accompagnatrice
Autrice : Nina Berberova
Editions : Actes Sud
Date de parution : avril 2024
Genre : Lettres russes
Ecrivaine russe qui passa la majeure partie de sa vie en exil, Nina Berberova a su parfaitement décrire dans ses romans la vie de ses nombreux compatriotes qui ont dû fuir comme elle leur pays natal après la révolution bolchévique de 1917. Dans L’accompagnatrice, court roman qui fut adapté en 1992 au cinéma par Claude Miller, elle dépeint avec précision en une centaine de pages les rapports de classe et les sentiments de jalousie, de dédain et de haine qui en découlent.
Saint-Pétersbourg, 1919. Sonetchka, une jeune fille, est engagée par Maria, une cantatrice de la haute société, pour être son accompagnatrice. Maria est belle et talentueuse ; Sonetchka est insignifiante et miséreuse. Parce que la soprano rayonne et qu’elle a tout, alors qu’elle-même n’a rien, Sonetchka, d’abord fascinée, entreprend bientôt de détruire le bonheur trop parfait de la chanteuse…
Avant d’être un roman psychologique sur la violence des rapports de classe, L’accompagnatrice peut se lire pour la description détaillée qu’il offre de la vie en Union Soviétique après la révolution, de la misère d’un peuple et des énormes disparités qui subsistaient malgré les promesses émises quelques années auparavant. En ce sens, il brosse un tableau qui n’est pas éloigné de la situation dans laquelle beaucoup de personne vivent encore aujourd’hui.
Scénario universel
Et c’est une des grandes forces de ce roman, à savoir son pouvoir d’empathie… car peu importe sa situation, on trouvera toujours quelqu’un de mieux loti, quelqu’un que l’on pourra envier, jalouser et maudire, et les processus psychologiques décrits dans ce récit sont applicables à la majorité des rapports de classe dans lesquels on se trouve.
Bien entendu, le génie de Nina Berberova tient dans sa maîtrise de la langue, la parcimonie des mots utilisés et qui frappent par leur acuité. A la lecture de L’accompagnatrice, on sent la haine de la narratrice, sa gène et sa fascination aussi parfois et l’on voit le choc des cultures entre ces mondes qui ne se parlent qu’à travers le prisme dominant/dominé.
L’accompagnatrice pourrait n’être que le récit d’une époque, mais frappe néanmoins par son caractère intemporel.