Texte d’après Julie Dacquin. Mise en scène de Isabelle Paternotte. Avec Julie Dacquin, Alexia Depicker, Jo Deseure, Laure Godisiabois. Du 12 janvier au 24 février 2024 au Théâtre Le Public.
Sur le papier, La tête dans le frigo a tout pour plaire. Poser un regard décalé et drôle sur le deuil et sur les dissensions familiales autour de quatre femmes aussi différentes que complémentaires donne l’idée d’une pièce résolument moderne, une pièce dont on sort en se disant « faudrait voir ça un peu plus souvent ». Malheureusement, cette promesse, cette ambition, n’est qu’à moitié tenue.
Dans les faits, qu’est-ce que ça nous raconte La tête dans le frigo ? Granny est morte et il reste derrière elle une maison pleine de souvenirs, une fille que la disparition laisse douce-amère, un fils aux abonnés absents qui se la joue à l’Arlésienne et trois petites-filles nostalgiques d’une grand-mère qui s’était adoucie avec le temps. Sur scène donc, quatre femmes aux vies et aux caractères bien différents, une famille nucléaire aux relations explosives devant gérer le manège quasi infernal des obsèques d’un proche.
Parler de la Mort, du deuil est un thème fondamental, si ce n’est fondateur, de la narration. Qu’on fasse le deuil d’une personne, d’une relation, d’un pays ou tout simplement d’une période de notre vie, le sentiment de vide, de nostalgie est un des plus universels à l’humanité et coucher son histoire sur le papier, sans pour autant avoir le désir qu’elle devienne quoique ce soit de concret au départ, a été le déclencheur de nombre de narrations que nous connaissons aujourd’hui. L’écriture comme palliatif, comme exutoire.
Ainsi, comme il en est de l’Amour, parler de la Mort avec originalité est un défi et l’idée de Julie Daquin de mêler ce thème, généralement assimilé à la tristesse et au drame, à de la comédie est parfaitement logique. Prendre le sujet à contre-pied pour poser un regard neuf sur celui-ci. Ce défi est globalement réussi : la pièce prête à rire. Bien qu’on puisse regretter un humour çà et là très potache donnant à l’ensemble des allures de farce à gros sabots, quelques éclairs surprennent franchement au plus grand bonheur du spectateur.
Quelle est donc cette absence qui nous laisse autant sur notre faim ? Si le contrat de la comédie est plus ou moins rempli, celui sur le regard décalé et original porté sur le deuil ne l’est pas vraiment. C’est sûrement ce qui manque le plus cruellement, un discours. Certes, le personnage de la fille ressent des émotions contradictoires tant sa mère ne lui a fait aucun cadeau sa vie durant, lui faisant ainsi poser un regard pluriel sur sa disparition, mais ce rapport au deuil ne représente finalement qu’une toute petite partie de la pièce, deux ou trois séquences où cette complexité est exprimée. Autour de cela, l’omniprésence du trio tristesse-nostalgie-appréhension face à la mort ne transcende guère. Ce n’est pas tant le fait qu’il soit éculé de parler du deuil de manière grave, mais il est difficile de passer de la comédie quasi burlesque aux accents légers et absurdes à la profondeur de ce que peut provoquer la disparition de quelque chose ou de quelqu’un sur lequel on faisait reposer une partie de notre existence.
Ainsi, ce qui aurait pu être un tour de force s’apparente plus à un pétard mouillé. Un récit attendu et entendu. Un divertissement réussi, mais dont on imaginait peut-être un peu plus.