Titre : La terre est une marmite
Autrice : Ryoko Sekiguchi
Éditions : Bayard
Date de parution :16 octobre 2024
Genre : Essai jeunesse
Les petites conférences sont des causeries, organisées depuis les années 2000 par Gilberte Tsaï, et inspirées du modèle des Lumières pour enfants de Walter Benjamin. Dans cette optique, la poétesse et gastronome Ryoko Sekiguchi nous propose sa recette du jour : utiliser des mots savoureux pour introduire les enfants au monde du goût.
Dans la collection des Petites conférences, les thèmes abordés sont sans limites. Aucune frontière ne barre la route de la connaissance : Ulysse, la nuit étoilée, la guerre, les dieux, les mots. La seule contrainte est la notion d’échange qui place les jeunes participants et les conférenciers adultes sur un pied d’égalité. C’est une relation d’amitié qui se tisse autour d’un sujet, pour transcender les barrières générationnelles. Depuis 2004, tous ces mots échangés, enfantins mais pas infantiles, se retrouvent compilés dans une collection éponyme et publiée chez Bayard. Certains grands essayistes francophones se sont d’ailleurs prêtés au jeu : Philippe Descola, Vincianne Despret, Delphine Horvilleur, Jean-Christophe Bailly pour ne citer qu’eux. Ils adaptent leur terrain de recherche aux centres d’intérêt et à l’imagination d’un public jeune, en proposant par exemple pour Vincianne Despret une réponse hypothétique à la question « Et si les animaux écrivaient ? » ou encore une immersion chez les chasseurs-cueilleurs avec Philippe Descola.
Ryoko Sekiguchi est à la croisée des mondes. Elle a grandi au Japon, mais vit en France. Fille de cuisinière, elle se régale des mots. Son appétit est insatiable. Elle dévore les livres et écrit les saveurs. Comment ne pas assumer le rapprochement entre les deux disciplines, alors même qu’elles profitent d’un lexique commun ? La petite conférence qu’elle nous propose se situe au cœur de cette quadrature : Japon-France, écriture-cuisine. Elle y explore le domaine du goût et son éternelle insoumission aux logiques descriptives. Elle défie quiconque de poser des mots sur le goût : celui du gâteau au chocolat par exemple. Ou encore celui de l’huile d’olive. Et pourtant, ne devrait-on pas sortir de nos limites dichotomiques qui veulent qu’un plat soit soit bon, soit mauvais ? Ne pourrait-on pas s’essayer à un vocabulaire plus riche, mais plus imaginaire qui accepterait les mots comme « triste », « accueillant », « joyeux » pour parler de nourriture. Toutes ces expériences sont aussi culturelles. Sekiguchi se rappelle très bien la première fois qu’elle a goûté à l’huile d’olive, justement, qui semblait avoir, pour elle, une odeur de crayon. Les Européens, en comparaison, sont peu habitués aux textures élastiques des mochis japonais. Manger c’est voyager. À travers les cultures, mais aussi à travers les sens. Ryoko Sekiguchi propose une réflexion nourrissante, au goût des enfants. Seul bémol peut-être : il faut connaître la collection avant d’acheter le livre car le public cible n’est pas forcément introduit dans le résumé.