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    La route : Quand Manu Larcenet rencontre Cormac Mc Carthy

    Scénario et dessin : Manu Larcenet
    Éditeur : Dargaud
    Sortie : 29 mars 2024
    Genre : Roman graphique

    Il y a adaptation… et adaptation. La route n’est pas n’importe quel livre. Non content d’avoir raflé le Pulitzer, il s’est fait introniser comme classique de la littérature contemporaine, vendu à plus de deux millions d’exemplaires aux États-Unis. Bref, il n’a pas la discrétion du roman Le Rapport de Broedeck. Mais Manu Larcenet s’est laissé tenter. Il faut dire que Larcenet n’en est pas à son coup d’essai non plus. Avec plusieurs succès à son actif, l’auteur a accepté le défi de retranscrire en image un univers que plusieurs millions de lecteurs s’étaient déjà approprié.

    Ce n’est pas, là, une mince affaire. Même sans l’avoir lu, tout le monde a entendu parler de ce drame post-apocalyptique qui fait progresser un père et son fils vers le sud. De ce monde à l’agonie que hantent des barbares nourris de chair et de sang. La route raconte à la fois une quête philosophique, celle de l’impossible, et l’inévitable extinction de l’homme sans la nature. Et dans l’imagination de ceux qui l’ont lu, la route laisse une trace sombre, comme un feu éteint. Pleine de rocailles et de tôles brûlées. L’adapter, c’est prendre le risque de décevoir ce lectorat. D’autant que c’est un ouvrage qui puise notamment sa force dans son imagerie.

    Manu Larcenet c’est un peu le Dr Jekyll et Mr Hyde de la bande dessinée. Son style est schizophrène. Ses drames peuvent s’habiller d’humour. Dans ce cas, ses personnages se transforment en caricatures affublés de nez particulièrement longs. Et son dessin se remplit de couleurs. Mais il peut aussi faire preuve d’un sérieux qui évince la gaieté. Son trait devient réaliste et le noir et blanc s’impose. C’est parce que son dessin n’est pas figé que Larcenet peut piocher son inspiration dans des auteurs différents comme Claudel et Mc Carthy. Tout en leur restant fidèle.

    En ce qui concerne La route, le bédéiste français s’en tient à l’histoire originelle. La grande difficulté, reconnaît-il, c’est le silence. La route s’observe comme une succession de paysages désertiques qui ne se prêtent pas aux bavardages. Le voyage se fait dans la contemplation. Au rythme de la marche. Évidemment, c’est le noir et blanc qui sied à l’occasion. Ou plutôt, comme Larcenet les appelle, des gris colorés. L’auteur préfère aux blancs purs, trop immaculés, des teintes légèrement jaunâtres ou bleutées. C’est moins propre. Dans cette même optique, il utilise une technique qui imite la dégradation. Il adopte une esthétique cendreuse. Ces dessins ont l’air d’être restés trop longtemps au soleil, quand ils ne paraissent pas carrément effacés par le temps.

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