La Révolution silencieuse
de Lars Kraume
Historique
Avec Jonas Dassler, Leonard Scheicher, Tom Gramenz
Sorti le 27 mars 2019
Le cinéma allemand (celui qui arrive, en tout cas, dans nos salles) n’est pas du genre à esquiver le passé, bien au contraire. Par la petite histoire, il aime revisiter la grande. De Good Bye Lenin à La Vie des autres en passant par Sonnenallee et Barbara, nombreux sont les films qui ont mis en scène la guerre froide du côté est de l’Allemagne. La Révolution silencieuse, le nouveau long-métrage de Lars Kraume, fait désormais partie du cercle des films estampillés RDA. En s’inspirant de faits réels, le réalisateur de Fritz Bauer, un héros allemand nous livre une page d’histoire méconnue de l’après-guerre, quelques années avant l’apparition du Rideau de fer.
En 1956, deux étudiants du Lycée de Stalinstadt (banlieue de Berlin-Est), partis en escapade à l’ouest pour quelques heures, apprennent que de nombreuses victimes du soulèvement hongrois ont été réprimées dans le sang par les troupes soviétiques. De retour en classe, ils convainquent leurs camarades d’observer une minute de silence au début d’un cours en hommage aux opposants hongrois, sans exposer le motif de leur silence. Leur comportement déroute un professeur qui décide d’alerter les autorités communistes. Celles-ci, bien déterminées à écraser toute dissidence quitte à pousser à la délation et à diviser pour mieux régner, enquêteront au plus haut niveau pour en faire une affaire d’état.
Avec La Révolution silencieuse, Lars Kraume signe un scénario brillant où il est question d’éveil des consciences sur fond de sacrifice, de trahison et de solidarité. Malgré une mise en scène sobre, la tension narrative ne faiblit pas ; elle apporte rythme et souffle à cette histoire un brin romancée. Ce qui fait le sel du récit, ce n’est évidemment pas le triangle amoureux mais bien la perversité d’un système dictatorial, construit sur les cendres encore tièdes du nazisme, qui n’hésite pas à déterrer le passé pour rattraper ceux qui ne filent pas droit. Pris dans les filets de la propagande et d’un appareil répressif, les jeunes du Lycée auront du mal à déstabiliser l’édifice de la pensée unique.
On pourrait reprocher au film une esthétisation outrancière des années cinquante avec une image soignée, de beaux décors et une attention particulière apportée aux costumes. Mais un certain réalisme s’en dégage notamment grâce au casting, bien dirigé, qui parvient à prendre la mesure des événements. Burghart Klaussner est terrible dans la peau du ministre de l’éducation et les amis très complices Leonard Scheicher et Tom Gramenz sont touchants dans tout ce qu’ils défendent. Le film fait également la part belle aux relations père-fils tout au long du récit. Au fur et à mesure des interrogatoires, les liens filiaux seront fragilisés par la Sécurité d’Etat qui, en ressortant des dossiers sensibles datant de la guerre, veillera à mettre une pression maximale sur les familles.
Adaptée du roman de Dietrich Gartska, La Révolution silencieuse peut difficilement ne pas être rapprochée, dans ses dernières scènes, d’un célèbre film américain dont le mot d’ordre fut « Carpe diem ». Mais ici, dans le long-métrage de Kraume, point de « cueille le jour » d’Horace car La Révolution silencieuse est avant tout une ode à la libre-pensée, chère à Victor Hugo.