Textes de Jean-Paul Sartre et Jean-Marie Piemme. Mise en scène de Philippe Sireuil, avec Priscilla Adade, Michel Charpentier, Marie Diaby, Samuel du Fontbaré, Thierry Hellin, Aurélien Labruyère, Robin Lescot, Berdine Nusselder. Du 29 janvier au 15 février 2020 au Théâtre des Martyrs. Crédit photo : Hubert Amiel
En quelques mots, la pièce de Sartre s’inspire de l’affaire des « Scottsboro Boys », un groupe de 9 garçons noirs accusés d’avoir violé deux femmes blanches en 1931. Dans une Amérique pétrie d’un puritanisme de façade, le racisme gronde, fort et sans vergogne. Lizzie, prostituée de son état, vient de débarquer en ville. Elle était dans le train, c’est elle qu’un homme noir a prétendument agressé et violé. L’homme noir retrouve Lizzie et vient la supplier de témoigner, de dire la vérité, dire qu’il n’a rien fait. Elle le jure. Et comme il faut bien voir le revers de cette médaille de vertu, elle jure aussi à Dick, client et ami de l’homme l’ayant véritablement violée, que c’est bien l’homme noir qui est à parjurer et à condamner.
La pièce de Jean Marie Piemme est une sorte d’après Sartre. Il y donne un nom et une parole à l’homme noir, Louis, qui n’est plus la représentation passive du racisme mais la représentation libre et combative. Dans cette Amérique nouvelle, les droits civiques ont été promulgués, sur papier, l’homme noir n’est plus servile et l’homme blanc n’est plus omnipotent. Il reste tout de même des fragrances d’injustice pour Louis qui, en cavale depuis des années, décide de retrouver Lizzie. Il lui offre la rédemption sur un plateau de courage.
D’un point de vue mise en scène, aucun temps mort n’est à déplorer, le rythme est soutenu, fluide, parfois contemplatif mais toujours cohérent. L’utilisation de la vidéo est juste et ponctue bien le récit, quant aux passages chantés, ils se posent comme des instants de narrations extradiégétiques, apportant un cadre historique. A souligner la reprise de Strange Fruit de Billie Holliday, instant suspendu et puissant. Le rôle de Lizzie est d’une humanité incroyable, sous ses airs un peu idiots, elle apparaît comme la plus lucide et la plus droite, sans grandeur et sans petitesse, elle est à taille humaine. La comédienne l’incarnant est tout aussi nuancée dans son jeu et capte le regard et la tension.
Derrière parfois ces airs de vaudeville mal tricoté La putain respectueuse/La putain irrespectueuse est une pièce intéressante et accessible. Claire dans son traitement, claire dans ses propos, la forme est limpide et laisse la place au questionnement. La parole de Sartre trouve encore des oreilles attentives de nos jours car le racisme n’est toujours pas un combat gagné. Cette œuvre n’a pas la prétention d’apporter une solution, elle apporte une nouvelle pierre à cette histoire compassée et lui donne un éclat plus jeune et attrayant, attirant.